Hasdrubal, les bûchers de Mégara
traités en alliés et non en prisonniers. Je
compte sur toi pour qu’ils continuent à percevoir leur solde jusqu’à la fin de
la guerre et que des terres leur soient distribuées en attendant la conclusion
de la paix. Sommes-nous bien d’accord ?
— Oui.
Désormais, Rome te considère comme son allié et saura récompenser ton
dévouement.
Phaméas
tint parole. Quand nos deux armées se firent face, nos légions ne bougèrent pas
d’un pouce. De loin, je vis le général carthaginois regrouper ses officiers
autour de lui et s’adresser à ses cavaliers. Par la suite, il me récita le
discours qu’il leur avait tenu :
— Carthaginois,
j’ai à vous parler de choses graves. Depuis des lunes, nous nous battons sans
relâche contre les Fils de la Louve pour sauver notre cité de la destruction.
Vous n’avez pas ménagé votre peine et je suis fier de vous commander. Vous êtes
les meilleurs soldats que je connaisse et j’ai pu apprécier votre courage tout
comme vous avez pu juger de ma détermination. Si nous le voulions, nous
pourrions continuer à infliger à l’ennemi de terribles dommages.
Aujourd’hui,
je suis persuadé que nous pourrions remporter la victoire facilement.
Tout cela
aurait un sens si nous étions sûrs de l’emporter à la longue. Or j’ai la ferme
conviction que nos dieux ne nous permettront pas de sortir vainqueurs de cette
guerre. En dépit des sacrifices que nous leur offrons et des prières que nous
leur adressons, ils demeurent muets à nos supplications et tout indique qu’ils
nous ont abandonnés pour nous punir de nos péchés et de ceux de nos pères. La
lutte que nous avons engagée contre les Fils de la Louve n’en est qu’à ses
débuts. Bientôt, je le sais, des milliers et des milliers de Romains
débarqueront en Afrique pour venir en aide aux légions qui s’y trouvent déjà.
Ils seront rejoints par les troupes de Gulussa et nous nous retrouverons à
combattre un ennemi trois fois supérieur en nombre. Bien sûr, me direz-vous,
nous disposons d’assez d’hommes et d’armes pour retarder l’issue fatale mais
nous ne pourrons l’empêcher.
Quand ils
auront pris les rares villes puniques qui nous sont demeurées fidèles et qu’ils
nous auront obligés à abandonner Nepheris pour nous réfugier à Carthage, nous
devrons soutenir un long siège. Leur flotte bloquera l’accès de notre port et
les provisions ne tarderont pas à manquer. Nous ne pouvons plus compter sur
l’arrivée de renforts extérieurs et nos malheureuses familles seront réduites à
mourir de faim. Lorsqu’ils donneront l’assaut à notre cité, nous n’aurons
aucune pitié à attendre d’eux. Ils massacreront la garnison et réduiront en
esclavage les civils survivants. Vos femmes et vos enfants seront emmenés en
captivité et travailleront dans les domaines des aristocrates romains, en
Sicile ou en Campanie. Ils finiront leurs jours loin de leur sol natal et leurs
descendants oublieront la langue de nos pères pour se fondre dans la masse des
peuples conquis par les Fils de la Louve.
J’ai
longuement réfléchi et je crois que la guerre n’est pas, n’est plus le seul
moyen de sauver notre patrie et nos traditions. Si les Romains se proposaient
de nous interdire de parler notre langue, d’adorer nos dieux et de nous
administrer selon nos lois, je serais le premier à faire le sacrifice de ma vie
car celle-ci n’aurait plus de sens. Or ils ne recherchent pas un tel but. Ils
ont soumis les Grecs et bien d’autres peuples et ceux-ci continuent à vivre
comme du temps de leur ancienne splendeur. Certes, ils doivent payer tribut
mais les impôts dont ils s’acquittent ne sont pas plus élevés que ceux que le
Conseil des Cent Quatre exige de nous.
Je vous
l’avoue, j’ai rencontré à plusieurs reprises Publius Cornélius Scipion
Aemilianus et il m’a donné l’assurance que nous serons traités comme nos
compatriotes d’Utique et d’Hadrim si nous déposons les armes. J’ai confiance en
lui. Il appartient à une famille qui, si elle nous a combattus, a toujours fait
preuve de modération envers notre cité. Elle s’est opposée aux cruels desseins
de Marcus Porcius Caton et, après notre défaite à Zama, n’a pas cherché à nous
imposer une capitulation contraire à l’honneur. Mon interlocuteur est un homme
d’honneur et je sais qu’il tiendra ses engagements. En négociant avec lui, je
n’ai pas songé un seul instant à ma seule personne. La vie
Weitere Kostenlose Bücher