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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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qu’à
me féliciter de cette décision. Introduit sous ma tente, l’homme, un jeune
noble parlant parfaitement notre langue, me dit :
    — Gulussa
vous sait gré, à toi et à ton père, d’avoir épargné sa sœur.
    — Nous
n’avions aucune raison de lui faire payer les fautes de son mari.
    — Ne
joue pas au plus fin avec moi, me rétorqua-t-il. Nous savons que tu n’ignores
rien des démarches qu’elle avait entreprises.
    — Effectivement
et je te demande de communiquer à ton prince que j’en ai été informé par ses
propres frères. Ceux-ci ne songent qu’à une chose : l’éliminer. J’ai
envers Gulussa bien des griefs et celui-ci n’en est pas dépourvu à mon égard.
Toutefois, des trois fils de Masinissa, il est celui que je considère comme le
digne héritier de son père et j’admire sa vaillance. Je déplore qu’il ait, pour
des raisons qui ne regardent que lui et moi, choisi de s’allier à nos ennemis
et je souhaite qu’il réfléchisse aux conséquences d’un tel geste. Dis-lui de ma
part qu’il se méfie de Micipsa et de Mastanabal et qu’il n’a rien à redouter de
nous. Tant de choses seraient possibles s’il consentait à oublier ce qui nous
sépare.
    — Je
n’ai pas pouvoir pour te répondre et je doute fort que Gulussa accepte de
trahir nos alliés romains. Sache toutefois qu’il a été sensible à ton geste et
que, le moment venu, si tu as besoin qu’il intercède en ta faveur, il le fera
bien volontiers. Je suis persuadé que tu comprends le sens de ce message et que
tu ne gâcheras pas, par des requêtes indignes ou inconsidérées, le profit que
tu pourrais en tirer.
    — Je
saurais me souvenir de tes paroles et de ton avertissement. Quel est ton
nom ?
    — Bithya.
    — Je
suis heureux d’avoir fait ta connaissance. Peut-être aurons-nous l’occasion de
nous revoir. Tu seras toujours le bienvenu et, pour te le prouver, je te remets
cet anneau d’or gravé à mon nom. Convenons que si, un jour, tu me le fais
parvenir, cela signifiera que tu as besoin de mon aide et qu’elle t’est d’ores
et déjà acquise ! Tu vois que je te fais une entière confiance car
d’autres que toi pourraient utiliser cet objet pour me perdre auprès des miens.
Or je sais que tu agiras en homme d’honneur et que tu garderas le silence sur
ce que nous nous sommes dit lors de cette entrevue.
    — Je
n’ai rien à ajouter à ce que tu viens de dire, Hasdrubal, puisque tes mots
expriment ce que je pense.
    Aujourd’hui
encore, je m’étonne de l’imprudence dont j’ai alors fait preuve. À vrai dire,
j’avais été frappé par la prestance et le regard empreint de franchise de ce
jeune officier et moi, qu’on soupçonnait d’être rusé, perfide et calculateur,
j’avais cédé à une vague intuition que rien ne semblait légitimer. Certes, avec
l’appui de Mutumbaal, je m’étais débarrassé de mon rival, Hasdrubal
l’étourneau, et j’étais désormais le seul commandant en chef des armées de
Carthage. Mais je n’avais rien obtenu de plus. Visiblement, Gulussa entendait
rester fidèle à ses alliés romains et, en tentant de me rapprocher de lui,
j’avais ruiné toutes mes chances de parvenir à un accord avec ses frères qui me
tiendraient rigueur d’avoir prévenu leur cadet des sombres intrigues qu’ils
ourdissaient contre lui. Pourtant, j’étais confiant dans l’avenir, à tort sans
doute, car les nouvelles que je reçus de mes espions chez les Fils de la Louve
avaient de quoi inquiéter les plus pessimistes.
     
    ***
     
    A Rome,
les revers successifs essuyés par Calpurnius Pison, qu’on avait cru meilleur
stratège que Lucius Manilius, avaient contribué à renforcer le camp des
partisans d’une interruption des hostilités avec Carthage. Beaucoup de
sénateurs estimaient que les militaires ne parviendraient jamais à prendre
notre cité puissamment fortifiée et protégée par ses dieux. Quant à la plèbe,
elle redoutait que la poursuite de la guerre ne se traduise par la levée de
nouveaux impôts et par le recrutement forcé de plusieurs milliers de
légionnaires supplémentaires. Scipion Corculum ne tarda pas à utiliser au
profit des siens ce mécontentement. Comme les élections aux différentes
magistratures approchaient, ses agents se répandirent dans les tavernes pour
critiquer vigoureusement les erreurs commises par les précédents consuls et
pour vanter, au contraire, les prouesses du jeune tribun Scipion Aemilianus.

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