Hasdrubal, les bûchers de Mégara
réfugiés qui
y cultivaient champs, vergers et potagers pour nourrir les assiégés. En se
rendant à leurs occupations, certains d’entre eux observèrent des mouvements
suspects du côté de la nécropole et alertèrent la garnison de Carthage dont
plusieurs détachements furent dirigés vers le faubourg et se lancèrent à
l’assaut des positions romaines. Lucius Mancinus dut se replier, au prix de
pertes sévères, en direction du rivage et aurait été massacré si, par miracle,
la flotte de Publius Cornélius Scipion Aemilianus n’avait alors fait son
apparition. Des vents contraires, au lieu de la diriger vers Utique, l’avaient
poussée vers notre ville. Apercevant ses compatriotes en difficulté, il se
porta à leur secours et leur permit de réembarquer.
Quand les
généraux romains se retrouvèrent aux Castra Cornélia pour faire le point sur la
situation, une violente querelle s’éleva entre eux. Le nouveau commandant en
chef de l’armée demanda à Lucius Mancinus pourquoi il s’était lancé dans cette
attaque surprise.
— J’avais
repéré ce maillon faible du dispositif carthaginois et je craignais que
l’ennemi ne s’en aperçoive. J’ai donc décidé de le prendre de vitesse et je
n’ai pas à rougir de cette action. Pour la première fois depuis le début du
siège, nous avons pu pénétrer à l’intérieur de l’enceinte de la ville et cela
montrera aux Puniques qu’ils ne sont plus en sécurité derrière leurs murailles.
J’ajoute que j’avais la victoire à portée de la main si Calpurnius Pison
m’avait envoyé les renforts que je lui avais demandés.
— Pourquoi
ne l’a-t-il pas fait ?
— Je
suppose qu’il était trop occupé à préparer son départ pour Rome.
— Lucius
Mancinus, tu es un fieffé menteur, tonna l’intéressé. Tu t’es soigneusement
abstenu de me tenir au courant de cette opération pour en retirer toute la
gloire au cas où la victoire t’aurait souri. Si je n’ai pu te faire parvenir de
troupes, c’est que je ne pouvais dégarnir les défenses des Castra Cornélia.
J’ai en vain supplié Gulussa d’envoyer plusieurs détachements de cavalerie
numide placés sous les ordres de l’un de ses meilleurs officiers, Bythia, mais
ce dernier était introuvable.
— Qu’on
convoque Gulussa sur-le-champ.
Le fils de
Masinissa ne tarda pas à se joindre aux Fils de la Louve. Tout me porte à
croire qu’il n’avait pas agi à la légère en ne prêtant pas à ses alliés ses
cavaliers. Il était économe de la vie de ses hommes et les précédents revers
essuyés par Lucius Mancinus ne l’avaient pas incité à sacrifier les siens
inutilement. Toutefois, il savait que, devant son ami Scipion Aemilianus, il ne
pourrait invoquer pareille excuse sans éveiller les soupçons de ce dernier.
Aussi décida-t-il de se tirer de cette mauvaise passe en chargeant son
subordonné :
— J’ai
fait rechercher en vain Bithya dans notre camp et je ne l’ai pas trouvé. C’est
un brillant officier mais il est jeune et parfois étourdi. Quand je l’ai
interrogé, il m’a avoué, tout penaud, qu’il avait mis à profit le calme relatif
régnant dans le camp pour prendre du bon temps avec l’une de ses conquêtes. Les
deux tourtereaux étaient partis en promenade du côté de Sicca et il n’est
revenu que tard dans la nuit de cette équipée amoureuse. Voilà pourquoi nous n’avons
pu envoyer à Lucius Mancinus de renforts. Au demeurant, des cavaliers n’étaient
pas les plus indiqués pour mener cette opération compte tenu du relief escarpé
de la région où vos soldats avaient pris pied. Calpurnius Pison aurait été
mieux inspiré de faire appel à sa propre infanterie.
— Gulussa,
fit Publius Cornélius Scipion Aemilianus, s’agissant de ce dernier point, tu as
sans doute raison. Mais je suis venu ici pour rétablir l’ordre et la discipline
et ce qui vaut pour les Romains vaut aussi pour les Numides. En s’absentant
sans autorisation, Bithya a commis une faute grave et j’attends de toi que tu
le sanctionnes. Ce n’est que justice car Calpurnius Pison devra répondre de ses
actes devant le Sénat à Rome. Quant à Lucius Mancinus, j’estime que sa maladresse
le rend indigne de continuer à commander notre flotte. Serranus le remplacera à
ce poste dès maintenant.
Calpurnius
Pison et son collègue eurent beau protester, le consul resta sourd à leurs
supplications et à leurs arguments, obligeant Gulussa à punir son
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