Hasdrubal, les bûchers de Mégara
subordonné.
Fou de
rage, ce dernier supporta mal d’être mis aux arrêts de rigueur et de voir l’un
de ses rivaux nommé à la tête de la cavalerie numide. Un soir, un homme se
présenta à Nepheris et me remit l’anneau que j’avais offert à Bithya lors de
notre rencontre et me prévint que celui-ci, à la tête de mille hommes, était en
route pour mon camp. J’ordonnai aussitôt à Magon de préparer des cantonnements
pour ces nouvelles recrues et, lorsque des éclaireurs me signalèrent leur
arrivée, je fis ranger mes hommes de part et d’autre de la route pour composer
une haie d’honneur. A la tête de ses cavaliers, Bithya s’avança donc sous les
acclamations des Carthaginois jusqu’à mon poste de commandement. Nos
retrouvailles furent chaleureuses :
— Bithya,
je sais que tu as été victime d’une injustice et que tu ne méritais point le
traitement inique qui t’a été infligé. Carthage est fière de te compter
désormais parmi ses alliés et, pour te le prouver, j’ai décidé de te confier le
poste jadis occupé par Phaméas avant qu’il ne nous trahisse. Te voilà
commandant en chef de notre cavalerie et, à ce titre, tu participeras à toutes
les réunions de mon état-major.
— Hasdrubal,
je te remercie de ta générosité. Je n’ai pas douté un seul instant d’être bien
accueilli par toi et les acclamations de tes hommes m’ont fait chaud au cœur.
Je suis sûr que bien d’autres de mes frères de race me rejoindront quand ils
apprendront comment Gulussa traite ceux qui le servent loyalement. Je le
croyais assez fort pour s’opposer, le cas échéant, aux Fils de la Louve. En
fait, il est un jouet entre leurs mains et ce fait augure mal de l’avenir.
Puisse mon geste marquer la réconciliation entre nos deux peuples et les
inciter à repousser l’envahisseur étranger. Nous sommes tous enfants de cette
terre d’Afrique et nous ne laisserons pas des étrangers nous dicter notre
conduite.
Dans les
jours qui suivirent, Bithya dépêcha plusieurs émissaires chez les Numides pour
les avertir des raisons de sa décision et ceux-ci revinrent en compagnie de deux
mille cavaliers immédiatement incorporés dans notre armée. Ces renforts
venaient à point.
La guerre
semblait entrer dans une nouvelle phase. En effet, Scipion Aemilianus ordonna à
ses légions de faire mouvement vers notre cité avec toutes leurs machines de
guerre. C’était le signe que le siège reprenait et je savais qu’il le mènerait
jusqu’au bout, quel qu’en soit le résultat. Après en avoir longuement discuté,
le Conseil des Cent Quatre m’ordonna de venir sans retard prendre le
commandement de la garnison et de la renforcer avec une partie de mes hommes.
Je laissais vingt-quatre mille d’entre eux à Nepheris pour mener des opérations
de guérilla sur les postes romains isolés. Les autres, soit six mille
fantassins et mille cavaliers, s’embarquèrent à Aspis pour gagner Carthage où
je les rejoignis quelques jours plus tard en compagnie de Bithya.
Je
retrouvai sans déplaisir notre ville. Je ne pus toutefois m’installer dans mon
palais de Mégara dont Himilké m’interdit l’accès. J’eus avec elle une entrevue
orageuse. À peine nous étions-nous isolés dans mes anciens appartements qu’elle
m’accabla d’insultes :
— Je
dois être la seule Carthaginoise à ne pas me réjouir de ton retour. Tant que tu
étais à Nepheris, les apparences étaient sauves. Nul n’ignorait que tu passais
tes nuits avec ta concubine mais c’est là le lot du soldat en campagne et tu
n’es pas le seul officier à te comporter de la sorte. Nombre de mes amies
n’ignorent rien des frasques de leurs époux lorsqu’ils guerroient loin de notre
cité. Aucun d’entre eux toutefois n’a eu l’impudence de revenir flanqué de sa
maîtresse. Toi, tu l’as fait. Au lieu de la laisser croupir dans ton camp, tu
l’as amenée avec toi et chacun a pu la voir se pavaner à tes côtés lorsque vous
avez accosté au port. Pas un instant, l’idée ne t’a effleuré que tu déshonorais
ainsi l’ensemble de notre famille.
— Trêve
d’hypocrisie ! Il te sied bien de jouer à l’épouse fidèle alors que tu me
refuses obstinément l’entrée de ta chambre quand il m’arrive de venir passer
quelques jours dans cette ville.
— Nous
n’avons plus rien en commun. Certes, tu pourrais te comporter en soudard et me
violer comme le font tes hommes avec les malheureuses qui tombent entre
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