Hasdrubal, les bûchers de Mégara
aux
Romains.
— Je
comprends qu’Arishat t’ait séduit car c’est une créature superbe. Mon frère
m’avait toutefois caché les circonstances exactes de sa disparition et
celles-ci me comblent d’aise.
— À
ceci près que ton cadet menace l’existence de votre royaume uniquement pour
assouvir une vengeance personnelle.
— Qu’entends-tu
par là ?
— Sa
conduite ne lui est pas dictée par l’amour de son royaume mais par la haine
qu’il me voue. Cela obscurcit son jugement et l’empêche de réaliser les
véritables enjeux de cette guerre. Or, je l’ai dit et redit à tous mes amis
numides, nous ne sommes pas les seuls à être l’objet des convoitises de la cité
de Romulus. Notre sort est donc indéfectiblement lié. Si Carthage, par malheur,
venait à disparaître, les Romains ne tarderaient pas à porter leurs armées
victorieuses sur votre territoire et l’annexeraient. Or ce risque, vous le
prenez uniquement parce que l’un des fils de Masinissa, plutôt que de raisonner
en roi, se laisse guider par son cœur et ne cherche qu’une chose : faire
payer à une ville et aux siens un chagrin d’amour sans grande importance.
— Tu
n’as pas tort de parler ainsi. Aucune femme au monde ne vaut la peine que l’on
sacrifie tout pour elle. Plutôt que de pleurnicher sur ses malheurs personnels,
Gulussa ferait mieux de penser à l’intérêt de notre dynastie. C’est pour cette raison
que je suis favorable à un renversement de nos alliances.
— Micipsa
est-il prêt à te suivre sur ce terrain ?
— Sans
aucun doute.
— À
toi de voir dès lors comment empêcher Gulussa de nuire davantage à l’avenir de
votre royaume. Ma ville, je puis te le promettre, saura récompenser votre
dévouement.
— En
es-tu véritablement sûr ?
— Mettrais-tu
en doute ma parole, Mastanabal ?
— Non
car je te sais homme d’honneur et tu me l’as prouvé en m’avouant que tu avais
songé à me supprimer. Je te crois mais cela ne me suffit pas. Après tout,
pourquoi te ferais-je confiance ? Tu n’es pas le seul à commander à
Carthage.
— Je
n’exerce aucune magistrature civile mais je suis le chef de l’armée et cela me
donne une certaine influence. De plus mon père, tu ne peux l’ignorer, dirige le
Conseil des Cent Quatre et il saura convaincre ses amis de se rallier à notre
projet.
— Le
pourra-t-il vraiment ?
— Que
veux-tu dire par là ?
— Mutumbaal
n’est pas libre de ses décisions. Il a pris le pouvoir en s’alliant avec les
adversaires d’Hannon le Rab et il a dû faire de multiples concessions pour
parvenir à ses fins.
— Lesquelles ?
— Par
exemple, accepter que le commandement de votre armée soit partagé entre toi et
Hasdrubal l’étourneau. Or, si j’en crois mes espions, la mésentente règne entre
vous. Ton rival rêve de pouvoir t’éliminer.
— Il
a déjà tenté de le faire mais sans succès.
— Certes.
Toutefois, il pourrait fort bien réussir s’il arrivait à convaincre tes
concitoyens que leur salut dépend de lui.
— De
quelle manière ?
— En
recevant des Romains certaines assurances quant à un adoucissement du sort
qu’ils veulent réserver à votre ville.
— Ceux-ci
auraient-ils changé d’avis ?
— Les
revers que vous leur avez infligés ont fait réfléchir bon nombre de Pères
conscrits. Sur les bords du Tibre, la plèbe est mécontente. D’une part, trop de
mères et d’épouses pleurent la mort au combat de leurs fils et de leurs maris
et les autres redoutent à juste titre que cette guerre ne s’éternise sans qu’il
y ait ni vainqueurs, ni vaincus. D’autre part, le Sénat a peur de vous voir
nouer des alliances avec certaines puissances étrangères qui ne demandent qu’à
secouer son joug.
— Je
ne savais pas que nous disposions de tels alliés.
— Je
suis mieux informé que toi par mes espions. Ton père, Mutumbaal, te laisse dans
l’ignorance de certaines choses parce que ses collègues l’ont contraint à les
tenir secrètes. Sache qu’une ambassade a quitté votre port pour la Grèce où
elle doit rencontrer Philippe, le fils de Persée de Macédoine, dont les armées,
alliées à celles de Corinthe et de la Ligue achéenne, combattent celles de
Rome. Vos délégués sont porteurs d’une grosse somme d’argent afin d’encourager
ce monarque à intensifier ses opérations contre les Fils de la Louve et obliger
ces derniers à envoyer en Hellade plusieurs légions,
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