Hasdrubal, les bûchers de Mégara
terres à l’abri des hautes murailles de notre cité et tu espères qu’elles
suffiront à nous assurer la victoire. Les faits jusqu’ici t’ont donné raison
car les attaques des Romains ont toutes lamentablement échoué. Mais je ne me
fierais pas aux seules pierres, fussent-elles les plus solides.
— Et
qui appellerais-tu à la rescousse ?
— Les
Numides.
— Je
n’ai pas cessé de chercher à les rallier à notre cause. Non sans succès. Bithya
nous a déjà rejoints et je ne désespère pas que son exemple soit imité par
d’autres.
— J’en
ai parlé avec lui et je dois te dire qu’il ne faut point trop t’illusionner à
ce sujet. Dans le meilleur des cas, il pourra rallier deux ou trois mille
cavaliers ayant servi sous ses ordres dans l’armée de Gulussa.
— A
quels autres Numides faisais-tu alors allusion ?
— Hasdrubal,
tu n’ignores pas que seule une partie de ce peuple est soumise aux fils de
Masinissa. D’autres vivent dans la région des colonnes de Melqart et au-delà.
— Je
le sais. Jadis, c’est là que nous allions capturer les éléphants qui faisaient
la gloire de nos armées et je n’ignore pas que, dans ces parages, subsistent
encore quelques comptoirs puniques dont nous sommes sans nouvelles depuis des
années.
— J’en
ai parlé avec Bithya et il se propose d’envoyer des émissaires rencontrer les
chefs de ces tribus avec lesquels son père était autrefois en relations. Tu
pourrais faire accompagner ses délégués par quelques officiers de ton
état-major afin qu’ils reprennent contact avec les villes puniques dont tu me
parles et demandent à leurs magistrats de venir à notre aide en nous envoyant
des hommes et, surtout, de la nourriture. Si ces Numides marchent sur le
royaume de Gulussa, celui-ci devra abandonner les Romains pour se porter à leur
rencontre. Privé de son principal allié, Publius Cornélius Scipion Aemilianus
devra battre en retraite vers Utique et, qui sait, se réembarquer, car Rome ne
tolérera pas que la guerre se prolonge une année de plus.
— Arishat,
je n’aime guère que les femmes se mêlent des choses de la guerre mais je dois
reconnaître que tu as sagement agi. Dès que possible, nous enverrons en
direction des colonnes de Melqart une ambassade en priant la bienfaisante Tanit
pour que cette mission soit couronnée de succès.
Chapitre 10
Arishat
n’avait pas eu tort de me mettre en garde contre la confiance excessive que mes
compatriotes plaçaient dans la solidité à toute épreuve de nos remparts. Il me
suffit de quelques jours pour constater que la garnison de Carthage n’était pas
véritablement en mesure de soutenir un siège dirigé par un adversaire aussi
pugnace que l’était et le serait Scipion Aemilianus. Non content de trahir sa
cité en négociant secrètement avec les Numides et les Romains, Hasdrubal
l’étourneau avait, par son indolence et son ignorance crasse de l’art de la
guerre, gravement porté atteinte au moral de nos troupes en tolérant un
relâchement criminel de la discipline. Ses anciens officiers, heureux d’être
débarrassés d’un chef incompétent, me brossèrent un tableau très sombre de la
situation.
La plupart
de leurs hommes avaient abandonné leurs unités pour retourner vivre en ville
dans leurs familles. Ils ne faisaient acte de présence que pour venir toucher
leur solde. Autrement, ils vaquaient à leurs occupations habituelles du temps
de paix ou passaient leurs journées dans les tavernes du port, là même où
j’avais jadis fait mon apprentissage de jeune homme. Le soir, toute une partie
de l’enceinte était laissée sans surveillance, faute de soldats en nombre
suffisant pour se relayer lors des différents tours de garde. J’en fis l’amère
expérience une nuit alors que je revenais d’une patrouille dans les environs du
lac de Tunès à la tête d’un détachement de cinq cents cavaliers. Obligeant mes
hommes à un long détour, j’avais choisi de rentrer par la porte d’Utique,
située à l’extrémité septentrionale de Mégara. Quand je me présentai devant
elle, j’eus la désagréable surprise de découvrir qu’elle était gardée par une
centaine d’hommes à peine, dont un tiers, ivres morts, était hors d’état de
combattre. Et, en faisant le tour de la muraille, je notai qu’à peine deux
mille défenseurs, soit le cinquième de ce qui aurait été nécessaire, s’y
trouvaient en faction. À tout moment, les Fils de la
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