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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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chassa d'un geste, avant de se rendre à la fenêtre pour voir l'ambulance, près de la porte du poste. Elle ressemblait en fait à un fourgon cellulaire. Le lieutenant de police sortit entre deux énormes infirmiers, engoncé dans une camisole de force. Son visage était en sang, mais il paraissait fort calme. Devant ses quelques paroles, les ambulanciers se regardaient et secouaient la tête en riant. Le chef de police fut heureux de les voir prendre à la légère les discours de leur passager. Ils le firent monter à l'arrière, l'un d'eux avec lui. L'autre prit le volant et démarra.
    Le fonctionnaire saisit le téléphone, composa un numéro à l'hôtel du Parlement. Une certaine patience fut nécessaire avant de parler au procureur général en personne, mais il obtint un rendez-vous immédiatement en invoquant le nom de Blanche Girard.
    Descôteaux reçut le chef de police de la Ville de Québec dans son grand bureau du parlement provincial. La rencontre serait plus anonyme ici, à deux pas de la salle de l'Assemblée législative. Aucun député ne se trouvait dans l'édifice, ni même un ministre, à ce temps-ci de l'année. Seuls les fonctionnaires continuaient de faire marcher le petit appareil gouvernemental. En réalité, il fonctionnait tout seul, se plaisait à dire Descôteaux. Les crises étaient rares, heureusement, et le procureur général préférait gérer lui-même celle que Ryan venait lui soumettre.
    Le premier ministre ne fut pas sans remarquer l'uniforme fripé de son visiteur et le sang sur sa poitrine. Cela faisait de très mauvais goût, il aurait apprécié que le policier se change. Maussade, après des salutations sans chaleur, il prit l'enveloppe contenant les deux rapports. Le politicien reconnut au premier coup d'œil celui sur les frères Germain pour ce qu'il était: un document obsolète. Ces suspects étaient tombés à point, malheureusement il avait fallu les laisser aller trop tôt. La population de Québec n'avait pas eu le temps de se convaincre que le service de police avait fait son travail. Le procureur général passa au second document, constata qu'il était daté de la veille. Le parcourir attentivement prit quelques minutes. Le chef de police le regardait lire, cherchait à voir sur son visage ses émotions. Son vis-à-vis ne trahit rien d'autre que de la lassitude.
    — Ce lieutenant Gagnon, où se trouve-t-il présentement ?
    Descôteaux reposa les quelques feuilles sur son imposant bureau en bois précieux. On n'y voyait qu'un sous-main, quelques plumes et un téléphone. Le politicien voulait donner l'impression de tout contrôler, de tout savoir. Il y arrivait plutôt bien.
    —    Il a fallu le faire conduire à l'asile de Beauport. I l es agité, il s'est attaqué à moi en constatant que je ne partageais pas son enthousiasme sur son travail d'hier.
    —    Il est vraiment malade ?
    —    Oui. Il y a plusieurs semaines que son état se détériore. Cette affaire a eu sur lui un effet dramatique.
    —    J'ai du mal à croire que cela ait suffi à le rendre fou.
    En même temps, le politicien n'osait croire en sa chance.
    L'internement semblait trop beau pour être vrai.
    —    Son malaise était perceptible bien avant. Je me suis informé : son père est mort à l'asile, atteint de démence.
    Descôteaux esquissa un sourire satisfait. Il insista :
    —    Cette introduction par effraction est tout à fait illégale. Cela enlève toute valeur aux preuves qu'il a trouvées, en admettant la réalité de ses découvertes.
    —    C'est justement quand je lui ai expliqué cela qu'il a perdu la tête. Il réclamait un mandat de perquisition.
    —    Sur des bases comme celles-là, impossible.
    Le fonctionnaire de police hocha la tête pour souligner qu'il partageait cette conviction.
    —    Quand je lui ai fait cette réponse, il a menacé d'ameuter l'opinion publique par le biais des journaux afin de forcer la main aux autorités.
    Ces « autorités » se trouvaient incarnées dans la personne assise devant lui. Le policier continua :
    —    Je ne savais pas trop quel parti prendre. J'ai préféré vous soumettre le tout.
    —    Gagnon a-t-il commencé à «ameuter l'opinion publique », comme vous dites ?
    —    Il est difficile d'en être certain. Pas au poste de police, je le jurerais. Le lieutenant s'est livré à cette expédition tout à fait seul, sans se confier à personne. Ses problèmes de santé ont fait le

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