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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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aurais dû voir comment c'était dégueulasse, du vomi partout, la drogue dans la chambre de Trudel. Sinon la population va finir par se révolter.
    —    Bon, tu veux partir une révolution maintenant, pour un petit meurtre sans importance. Une bien triste affaire, mais...
    —    Ce n'est pas un meurtre sans importance. Christ! Cela pourrait être ta fille, ou la mienne. Autant changer la loi, et dire que les fils de ministre ont le droit de violer les petites vendeuses de magasin. Comme au Moyen Âge, quand les seigneurs pouvaient se réserver la première nuit avec toutes les filles qui se mariaient.
    Le chef Ryan savait tout juste que le Moyen Âge était dans l'«ancien temps». Avant ou après le Christ? Il l'ignorait et il s'en foutait éperdument. Cependant, Gagnon devenait dangereux. Cette histoire était explosive. La grève de milliers de travailleurs des manufactures de chaussures s'éternisait. Les familles de ces gens crevaient de faim. Les journaux avaient déjà remarqué une augmentation du nombre de bébés décédant avant leur premier anniversaire au cours de l'été. Cela ne tenait pas au hasard : les parents devaient les nourrir moins bien, les mères devaient avoir les seins taris simplement à cause du manque de nourriture pour elles-mêmes. Des hommes dans la force de l'âge se pressaient au coude à coude sur les quais, sur les rives de la rivière Saint-Charles, pour jeter leurs lignes à l'eau dans l'espoir de pêcher le repas du soir. Beaucoup de ces grévistes vendaient à rabais leurs quelques meubles pour se payer le billet de train vers les villes manufacturières du nord-est des Etats-Unis. Matin et soir, la moitié au moins des forces de police de la Ville se massaient aux portes des manufactures pour empêcher les hommes en grève et les scabs venus de la campagne prendre leurs emplois de s'entre-tuer.
    Et pendant ce temps, dans son bureau, un policier évoquait le projet de répandre dans la population la rumeur que des jeunes hommes de la Haute-Ville avaient violé et torturé à mort une jeune vendeuse d'un magasin de tabac et d'articles pour fumeurs ! L'homme était tout à fait inconscient, tout à fait fou.
    Dans un geste devenu familier quand il avait affaire à Gagnon, il se leva de sa chaise, fit le tour du bureau pour venir près de lui. S'appuyant sur le bord, il commença à expliquer de sa voix la plus raisonnable :
    —    Si au moins tu m'avais parlé avant, on aurait pu planifier quelque chose. Peut-être retourner chez les Trudel, essayer de compléter l'enquête sur les garçons dont tu parles dans ton rapport. Maintenant, c'est gâché. On n'a aucune chance d'avoir un mandat en confessant une entrée par effraction.
    Le lieutenant ne l'écoutait pas. Son idée de s'appuyer sur l'opinion publique tourbillonnait dans sa tête.
    —    On pourrait juste faire savoir à un ou deux journalistes qu'on nous refuse le mandat malgré une preuve solide, sans donner plus de détails. Avec une histoire comme cela dans les journaux, le juge ne pourrait pas dire non.
    Ryan se pencha en avant, mit la main sur l'épaule du policier et le secoua en disant plus fort :
    —    Christ, Gagnon ! Tu es sourd ou quoi ? Je te dis qu'on ne demandera pas de mandat. On n'a aucune chance de l'obtenir.
    Gagnon donna un coup violent sur le bras du chef pour enlever la main de son épaule, assez fort pour heurter le nez de son interlocuteur. Il se leva en criant, prenant son patron pas les revers de son uniforme :
    —    Tout ce que tu veux, c'est les protéger. Tu leur manges dans la main. S'ils veulent t'enculer, tu te penches gracieusement devant eux pour leur faciliter la tâche. Qu'ils violent et qu'ils tuent, cela t'est bien
    égal,    du    moment    qu'ils    continuent
    de prendre bien soin de toi !
    —    Tu es fou, ma parole ! glapit le chef de police.
    Du sang coulait du nez de Ryan. Une blessure sans importance, mais le filet de sang sortait des deux narines, coulait sur ses lèvres, se répandait sur son menton pour continuer jusque sur le devant de son uniforme. Cela tenait plus à sa haute pression sanguine qu'au coup de poing lui-même, mais le résultat impressionnait. Il se dégagea de la poigne de Gagnon, se dirigea vers la porte alors que le policier s'était mis à crier:
    —    Tu sais ce qu'ils ont fait, tes amis de la Haute-Ville ? Ils l'ont défoncée avec une bouteille. Avec une bouteille, Ryan. Et toi, tu essaies de les

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