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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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intéressé par une poursuite commune contre l'auteur de cette brochure et l'imprimeur?
    —    C'est la même personne.
    Face à l'interrogation sur le visage de Renaud, il expliqua :
    —    L'auteur et l'imprimeur sont une seule et même personne, Raoul Richard. Il publie un hebdomadaire terriblement mal écrit, le Franc-Parleur. Juste en regardant le vocabulaire approximatif et le style, on devine tout de suite qu'il a pondu ce mauvais roman. Moi, je le sais car ce gratte-papier me l'a dit.
    Lavigerie marqua une pause, puis conclut :
    —    Pour répondre à votre question, non, je ne poursuivrai pas.
    —    Comment cela ? Votre client n'a-t-il pas envie de laver sa réputation ?
    —    Certainement. Cependant, il vaut mieux ne pas poursuivre pour quatre raisons. Premièrement, Grâce n'a pas d'argent pour me payer des honoraires raisonnables, et Raoul Richard a plus de dettes que d'avoirs. Nous n'en tirerions rien d'autre que le plaisir de fermer sa boutique. Nous pouvons sûrement nous priver d'un journal si mal écrit, mais lui ne peut pas se priver de son gagne-pain. Deuxièmement, comme vous devez vous en douter avec ce que je viens de dire, ce monsieur m'est connu. Nous nous identifions à ce groupe plus ou moins défini que l'on appelle le Parti conservateur. Raoul est de l'aile grenouille de bénitier, je suis de l'aile nationaliste.
    Renaud s'en doutait, la petite politique animait l'auteur de la brochure. En pleine campagne électorale, elle éclaboussait les personnes au pouvoir dans la province. Il affirma pourtant :
    —    C'est une affaire de diffamation, cela n'a pas de lien avec la politique.
    —    Ce sera le plus gros scandale politique de l'histoire de la province, si nous arrivons à sortir l'affaire. Raoul ne nous a pas aidés.
    L'avocat garda le silence un moment afin de voir l'effet de sa déclaration sur son interlocuteur. Il ne pouvait ignorer sa participation à la présente campagne aux côtés d'Elise Trudel.
    —    Mais, même en se limitant à la question de la diffamation, poursuivit-il, mon client n'est pas calomnié dans cette brochure. C'est ma troisième raison. Il s'est senti visé seulement parce que votre cliente, dont il est entiché, est assez clairement identifiable. S'il insistait trop, Grâce créerait un doute sur son innocence. Qu'il demeure discret. Personne ne reliera ce commis de magasin au domestique de La Non-Vengée. Je lui ai demandé deux dollars pour lui dire de ne parler de cela à personne.
    C'était en effet le meilleur conseil à donner, Renaud devait en convenir. Il savait maintenant que Grâce avait été l'un de ceux qui avaient proposé le mariage à Germaine.
    —    De toute façon, conclut son vis-à-vis, il est bien plus inquiet du sort de votre cliente que du sien, dans cette affaire.
    —    Vous aviez une quatrième raison, rappela Renaud.
    Lavigerie ramassa Le Soleil à côté de sa chaise et le lui tendit en disant :
    —    Je suppose que vous n'avez pas encore vu cela.
    Sur la première page, il lut: «REBONDISSEMENT DANS L'AFFAIRE BLANCHE GIRARD. ENQUÊTE ON DISCOVERY.» Lavigerie continuait:
    —    Vous le savez, la loi prévoit qu'après l'enquête du coroner, des citoyens peuvent demander la tenue d'une enquête on discovery si des faits nouveaux surviennent. Le Parti libéral, dans une grande croisade à la recherche de la vérité, en a pris l'initiative. Raoul Richard va être obligé de confesser son délire littéraire, les gens de L'Evénement vont admettre ne rien savoir de précis. Comme Germaine Caron et John Grâce n'ont rien à voir dans cette histoire, ils vont sortir de là lavés de tout soupçon.
    Lavigerie lui avait fait ce long discours pour se mettre en valeur, au lieu de lui montrer le journal d'entrée de jeu. Renaud le salua et ajouta :
    —    Je vais tout de même aller voir ce monsieur Richard.
    Il découvrit l'atelier du Franc-Parleur dans une petite-impasse du quartier Saint-Sauveur. Sur la porte, on affirmait effectuer les divers travaux d'imprimerie au meilleur prix en ville. Le propriétaire produisait sans doute des cartes professionnelles, des invitations aux mariages et des cartes de remerciements suivant les funérailles.    Deux    travailleurs    s'affairaient
    dans une pièce exiguë, dans le vacarme d'une petite presse. Le plus âgé vint vers le visiteur en essuyant ses mains sur une guenille tachée d'encre.
    —    Monsieur Raoul Richard

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