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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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arrêter immédiatement, cela me permettrait de vous demander un dédommagement valant au moins le double de votre vilaine petite boutique.
    —    Je ne les distribue plus. Tous les exemplaires qui me restent sont là.
    Il désignait les paquets de copies posés en haut de l'escalier.
    —    La semaine prochaine, je vous verrai à l'enquête on discovery. Je suis sûr que vous allez présenter toutes vos preuves là-bas. Ensuite, selon la nature de vos affirmations, je saurai si je vais demander un dédommagement valant deux fois ou dix fois tout ce que vous possédez. Je perdrai peut-être, mais j'irai en appel. Si vous n'êtes pas ruiné par une sentence du tribunal exigeant la mise en vente de votre affaire pour remettre le montant à ma cliente, vous le serez à cause des frais d'avocat. Car personne, même au sein du Parti conservateur, ne vous défendra gratuitement.
    Il se leva, lui tendit la lettre dactylographiée, et partit. Arrivé près de l'escalier, il lança encore :
    —    Même Lavigerie ne vous défendra pas pour rien.
    Renaud laissa derrière lui un petit homme effrayé. Déjà, tous les amis politiques de l'imprimeur avaient commencé à le lâcher pour son idée saugrenue d'avoir publié cela. Pourtant, le petit homme demeurait convaincu de la véracité de son histoire, dans ses grandes lignes.

Chapitre 14
    Le mercredi suivant, Renaud remarqua que ses étudiants discutaient entre eux de l'enquête on discovery. Cette procédure tout à fait exceptionnelle était susceptible d'intéresser les étudiants en droit, puis, surtout, l'événement prenait la forme d'un affrontement entre les libéraux et les conservateurs, en pleine élection fédérale. Comme la majorité d'entre eux se passionnaient pour la politique, ils ne pouvaient s'empêcher de supputer les chances de chacun des partis.
    Depuis sa conversation avec Lavigerie, Renaud regardait les journaux avec un peu plus d'attention. A mots couverts, L'Evénement entendait que les libéraux dissimulaient les coupables à la justice. Cela prenait la forme d'hypothèses, de fines allusions, pour éviter les poursuites en diffamation. Le Soleil, de son côté, évoquait le désarroi des conservateurs qui, tirant désespérément de l'arrière dans cette élection, essayaient de créer des scandales de toutes pièces. L'avocat trouvait le point de vue du Soleil bien convaincant.
    Quelques étudiants semblaient prendre ce développement de l'enquête au tragique. Les membres de la «jeunesse libérale» avaient encore une fois resserré les rangs autour d'Henri dès avant le cours, pour ne plus s'éloigner de lui ensuite. Renaud croyait deviner le sujet de leurs inquiétudes. Ils venaient de familles dont les fortunes devaient beaucoup à des liens étroits avec le pouvoir. Même non fondées, ces rumeurs de scandale leur paraissaient sans doute bien menaçantes. Combien ils se montraient impressionnables! L'avance des libéraux dans la province s'avérait si grande que rien ne pouvait les affecter, sauf peut-être si Ernest Lapointe était le chef du Club des vampires ! Quand ils étaient à court d'arguments, les libéraux n'avaient qu'à rappeler aux Canadiens français que les conservateurs étaient responsables de la conscription de 1917 pour rallier la majorité. Dans la population de langue anglaise, le même argument avait l'effet contraire.
    C'est donc sans grande surprise que le professeur trouva une bonne partie de ses étudiants au palais de justice le lendemain matin, dans l'une des plus grandes salles de l'édifice. Attirés par le caractère scabreux de l'affaire au moment de l'enquête du coroner, les curieux avaient cédé leurs places aux fervents de politique. Quant à Renaud, c'était la procédure qui l'intéressait vivement. La présidence de l'enquête avait été confiée au juge Montpetit. Celui-ci s'était distingué l'été précédent en distribuant des peines sévères aux grévistes des manufactures de chaussures arrêtés pour violence sur les piquets de grève. C'était aussi un libéral avoué. Les nominations à la magistrature allaient aux amis politiques. Puisque les libéraux étaient au pouvoir depuis 1897 dans la province, les juges conservateurs se faisaient rares dans les cours de compétence provinciale.
    Deux procureurs étaient chargés d'interroger les témoins, l'un libéral, Laurent Marchais, l'autre conservateur, Alain Touchette. Il s'agissait d'avocats connus. Ces deux professionnels

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