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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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morte. Le médecin légiste pourrait au moins donner une approximation. Fecteau avait terminé sa boisson et recommençait à produire de nouveau ces « slurppp » agaçants avec sa paille.
    —    Quand tu as vu le corps, qu'as-tu fait? demanda le policier, surtout pour le faire cesser.
    Si Gagnon n'avait pas été occupé à conduire, il aurait vu le garçon rougir. Il hésita un peu avant de déclarer :
    —    Bien, j'ai couru le dire au gardien.
    —    Rien d'autre ?
    —    Non, fit-il. Si, j'ai vomi, précisa-t-il après un moment.
    —    Mais tu n'as rien vu de particulier ?
    Cette fois, Fecteau se sentit vraiment inquiet. Le policier savait donc qu'il avait regardé «là»? Il ne répondit rien, gardant les yeux fixés devant lui, les lèvres crispées sur la paille.
    —    Par exemple, des traces de pas près du corps ? précisa l'officier.
    —    Non, je n'ai rien vu, fit l'enfant, soulagé. Mais je n'ai pas regardé non plus, ajouta-t-il.
    Gagnon ramena le garçon à sa mère. Il lui reparlerait peut-être plus tard. La situation se révélait trop délicate pour ne pas vouloir en discuter immédiatement avec son supérieur. Le policier prit la direction de la Haute-Ville.
    Le chef de police habitait une petite maison à l'ouest de la rue Cartier, rue Saint-Jean. Ce n'était d'ailleurs plus vraiment la rue Saint-Jean, mais le chemin Sainte-Foy. Là, on se trouvait à la campagne. Gagnon y arriva en moins de vingt minutes. Le chef mit du temps à venir répondre. Il était en camisole, ses bretelles battant sur les fesses. Gros, joufflu, roux comme seuls les Irlandais peuvent l'être, Daniel Ryan dirigeait la force de police de la Ville depuis la guerre.
    —    Qu'est-ce qui se passe ? fit-il en reconnaissant le lieutenant.
    Il désigna un banc dans la cour en précisant :
    —    On va rester dehors, ma femme est couchée, malade.
    —    On a trouvé le corps d'une fille dans le parc Victoria. Blanche Girard.
    —    Oui, je sais. Un journaliste du Soleil vient de m'appeler.
    Le ton trahissait son impatience. Même si les meurtres étaient rares à Québec, ce n'était pas une raison suffisante pour venir interrompre la soirée qu'il avait prévue passer seul à seul avec une bouteille de Glenfiddich. Elle avait été saisie sur un navire soupçonné de vouloir passer sa cargaison en contrebande aux Etats-Unis, toujours aux prises avec la prohibition de la vente de l'alcool. Des policiers comme des employés des douanes trouvaient un intéressant complément de revenu soit en laissant passer ces cargaisons contre argent sonnant, soit en les confisquant pour les vendre eux-mêmes.
    «Vraiment, réfléchit Ryan, les hommes ont raison, Gagnon déraille. Venir me déranger pour une affaire de routine. »
    —    Il y avait ceci près du cadavre, dit le lieutenant en lui tendant le livret de banque.
    —    Goddamn!
    C'était l'un des rares mots du vocabulaire de ses ancêtres que Ryan utilisait encore tous les jours.
    —    Henri Trudel ? Le fils du ministre de la Voirie ?
    —    En tout cas, c'est bien son adresse.
    —    Ça veut dire que ce serait lui...
    Le chef de police n'osa pas terminer sa phrase. Si c'était le cas, ce serait le plus gros scandale politique de l'histoire du pays, bien pire que ces histoires de pots-de-vin susceptibles de faire perdre une élection. Impossible de prévoir jusqu'où iraient les événements. Le fils du ministre le plus populaire du gouvernement aurait tué une jeune fille ! Devinant le cours de ses pensées, Gagnon se fit un devoir de lui expliquer les circonstances de la découverte du livret, insistant sur l'impossibilité de tirer une conclusion ferme.
    —    Donc, conclut Ryan, ce document ne nous conduira pas nécessairement au meurtrier.
    —    C'est possible, surtout si ce Trudel était là ce soir, parmi les curieux. D'un autre côté, le gardien l'a trouvé sous le drap.
    Ryan réfléchit un moment avant de déclarer:
    —    D'abord, garde un silence absolu. Je vais dire à Gauthier de se taire aussi. C'est un ancien policier, il connaît la discipline. Si les journaux savent que nous avons seulement pensé à Trudel, ils vont le condamner. Il nous serait impossible de réparer les dégâts plus tard, même si nous découvrions une tonne de preuves démontrant son innocence. Demain, nous nous rendrons tous les deux chez les Trudel. Autant ne pas enquêter seul chez ces gens-là. D'ici là,

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