Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
notre race. Ne souille-t-on pas même les dimanches en maintenant les cinémas ouverts ce jour-là ?
    Ces temples du péché détruisent chez le peuple tout sentiment chrétien et proposent les veaux d’or de la prospérité et de la luxure. Et que dire de ces musiques barbares et de ces danses lascives qui conduisent si systématiquement aux débordements de la chair?
    Faudra-t-il d’autres événements de ce genre avant que nos gouvernements ne ferment ces lieux de débauche que sont les cinémas et les salles de danse ? S’ils se décident enfin à agir selon les recommandations de Nos Seigneurs les Evêques, le martyre de Blanche Girard n 'aura pas été inutile.
    — Quelle grossière récupération, murmura Renaud.
    Ce credo ne présentait rien de nouveau, mais pendant son absence, l'Eglise avait ajouté la presse à son arsenal dans la lutte contre le péché. Comme ses ouailles avaient déjà accès aux quotidiens à grand tirage abonnés aux agences de presse internationales, l'Eglise devait se doter de moyens de communication tout aussi efficaces. Avec L'Action catholique, elle pouvait proposer une relecture des nouvelles, tant nationales qu'internationales, respectueuse de l'orthodoxie catholique. Cela devenait nécessaire si elle voulait que son message atteigne ses fidèles. Les autres moyens de communication de masse faisaient découvrir des conditions d'existence moins ascétiques. Quoique la défaite de l'Eglise fut prévisible - le cinéma, par exemple, représentait pour elle un adversaire bien trop redoutable -, elle allait s'accrocher longtemps et se chercher de nouvelles tribunes pour débiter son discours moralisateur.
    Renaud Daigle termina son repas en feuilletant les journaux, pour se faire une idée des débats politiques et de l'actualité économique dans la province. Il prit aussi grand plaisir à parcourir la rubrique «Notes sociales» du Soleil. Il apprit que madame Une telle était allée passer l'été à la maison de campagne de la famille à Pointe-au-Pic, que monsieur Chose, en visite dans la ville, logeait au Château Frontenac, que mademoiselle Machin, de Chicoutimi, passerait quelques semaines chez sa tante, rue Crémazie. Il s'agissait de potinage, en quelque sorte une version très provinciale du carnet mondain des grandes villes. Il perdit son sourire quand il posa les yeux sur cet entrefilet:
    Dans la liste des passagers descendus hier de l’Empress of India, on trouve le nom de Renaud Daigle. On se rappellera que celui-ci s'était classé premier à l'examen du baccalauréat de l'Université Laval en 1914: cela lui avait valu une bourse d'étude à l'Université d'Oxford. Après de brillantes études de droit et quelques années de travail au Haut-Commissariat canadien à Londres, monsieur Daigle a été ramené au pays par le décès soudain de son père, Haegédius Daigle, notaire et homme d'affaires avantageusement connu dans cette ville.
    Il ne jouirait pas de son anonymat bien longtemps. À huit heures, trouvant qu'il était trop tôt encore pour visiter des appartements, il se décida pour une longue marche en ville. Sans y penser, il se dirigea vers la Basse-Ville.
    De sa table au Grey Owl, le lieutenant Gagnon avait une vue parfaite du Château Frontenac. A gauche, il pouvait observer une partie de la terrasse Dufferin. Il avait pris la liberté de téléphoner au médecin Charles Grégoire dès six heures du matin, afin de lui demander quelles étaient ses conclusions. Le praticien lui avait expliqué avec humeur avoir terminé l'autopsie du cadavre vers deux heures du matin et qu'en conséquence il aurait bien aimé profiter d'au moins la moitié d'une nuit de sommeil avant de faire son rapport. Pourtant, il se laissa convaincre de prendre son petit-déjeuner avec l'officier de police, après que celui-ci lui eut assuré être sur une piste sérieuse, nécessitant une action très rapide.
    —    En fait, je n'ai pas de grandes découvertes à coucher sur papier, expliquait maintenant le médecin légiste. Le corps était dans un état de décomposition assez avancé.
    —    Mais vous avez bien dû voir si elle a été violée ?
    Le policier parlait à voix basse, car le sujet était scabreux. Heureusement, les nombreux touristes américains ne comprenaient rien à leur conversation. Le médecin grimaça avant de dire :
    —    Impossible d'être plus violée que cela. Elle était complètement déchirée. Je suppose qu'on a utilisé un objet, un

Weitere Kostenlose Bücher