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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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extraordinaire. Je l'imaginais comme une madone. Quand je demandais à mon voisin à quoi elle ressemblait, il répondait en riant « affreuse, avec trois verrues sur le nez». Je comprenais qu'elle devait être belle.
    —    Elle l'était ?
    Helen suivait cela comme une belle histoire d'amour, joliment racontée. Son intérêt était réel, mais superficiel.
    —    Oui! Elle était là quand ils m'ont enlevé le bandeau. Les marraines de guerre offraient ce genre de service. Cela faisait partie de leur engagement patriotique. Quand le bandeau m'est tombé des yeux, j'ai vu d'abord une masse de cheveux très blonds, avec le soleil derrière. Tu sais comment sont ces Anglaises? Blondes et roses?
    —    Je sais, je sais, fit-elle avec l'impatience d'une brune plutôt coquette.
    —    Elle était magnifique. J'étais déjà amoureux de sa voix. Je suis devenu obsédé par le reste. Imagine ma situation : seul dans mon lit d'hôpital, dans un pays étranger, pas certain du tout de retrouver la vue un jour. Son sens du devoir était exemplaire. Elle aidait les jeunes hommes qui avaient risqué leur vie pour l'Empire et pour le roi à recouvrer la santé. Elle méritait la Victoria Cross des marraines de guerre. Dans n'importe quel contexte, elle m'aurait plu, mais dans ce contexte-là elle m'a rendu fou.
    —    Fou jusqu'à quel point?
    —    Pendant deux ans, après ma sortie de l'hôpital, je l'ai poursuivie de mes assiduités. Je lui écrivais des lettres, je me pointais à sa porte. Je me souviens d'être resté des heures sous la pluie pour la voir entrer ou sortir de chez elle. Juste un instant, comme ça.
    Il fit un signe de la main, pour indiquer quelqu'un qui passe.
    —    Cela n'a pas fonctionné, ces assiduités, si je comprends bien.
    —    Oh! Elle est sortie avec moi, peut-être dix fois en deux ans. C'était par devoir patriotique, sans doute. Elle me réaffirmait sans cesse son amitié, son admiration. Nous n'étions vraiment pas sur la même longueur d'onde.
    —    Tu as dit « à la folie ».
    Aucun mot n'échappait à la curiosité de la jeune Irlandaise.
    —    Quand la guerre s'est terminée, à l'automne de 1918, son fiancé est revenu en un seul morceau. Elle s'est mariée avec lui.
    Renaud marqua une pause, hésita à continuer.
    —    Je me suis pointé chez elle un peu avant le mariage, je lui ai dit que je me tuerais pour elle. Je jouais un opéra italien sans le savoir. Je savais quand aurait lieu la cérémonie. Je me suis ouvert les poignets au moment où elle disait oui.
    Le rose envahissait maintenant les joues du grand jeune homme.
    —    Juste pour la culpabiliser. Je me trouvais à un endroit où j'avais toutes les chances d'être découvert à temps. En fait, quand on meurt dans un suicide semblable, cela devrait être classé parmi les accidents, tellement ce n'est pas intentionnel.
    —    Qu'est-ce qui s'est passé ensuite ?
    —    Rien. Elle a eu des enfants. Parfois elle a sans doute une pensée gentille pour le grand couillon gazé qui a fait une grosse connerie.
    Renaud sentait sa tristesse revenir. Toutefois, raconter cela en peignoir, dans un lit, à côté d'une très jolie fille tout aussi sommairement vêtue, lui faisait beaucoup de bien; plus que les confidences formulées des années plus tôt à un analyste affublé d'une barbichette et d'une furieuse attaque de psoriasis.
    — N'y pense plus, dit Helen, cela te rend triste. Veux-tu encore un peu de vin ?
    Il n'attendait pas une réponse de ce genre. Après tout, même son analyste avait paru plus compatissant. «Elle est bien jeune encore, peu expérimentée, peu éprouvée par la vie », l'excusa-t-il. Une réflexion très désagréable effleura son esprit : « Dans les mêmes circonstances, Élise aurait placé ma tête entre ses seins pour me consoler un peu. »
    Cela faisait terriblement œdipien - ce foutu Freud avait gâché beaucoup de bons moments, avec ses histoires -, mais tant pis !

Chapitre 16
    Noël serait bientôt là. Renaud commençait à s'inquiéter de son programme pendant le long congé. Chacun serait pris dans un tourbillon de rencontres familiales. Pour la première fois depuis son retour, il regrettait d'être le seul survivant de sa tribu, quelque chose comme le dernier des Mohicans. Son père n'avait ni frère ni sœur, ses plus proches parents se trouvaient être des cousins et des cousines de deuxième ou troisième degré, qu'il n'aurait

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