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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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même pas reconnus dans la rue.
    Le statut d'orpheline de Helen en ferait-il une abandonnée des fêtes? Il s'imaginait passer tout le 25 décembre à jouer avec elle dans sa chambre. Pourquoi sa virginité ne serait-elle pas son cadeau? Quel grand rêveur! Le 20 décembre il s'occupa de vérifier la distance entre son rêve et la réalité. Il lui téléphona pour demander :
    —    Aimerais-tu que l'on fasse quelque chose à Noël? Je serais bien heureux que tu viennes ici.
    Après un silence gêné à l'autre bout du fil, elle répondit :
    —    Cela aurait été très agréable, sûrement. Malheureusement, depuis une bonne semaine j'ai accepté de me rendre à La Malbaie.
    Comme il ne disait rien, elle ajouta après une pose :
    —    Je voudrais bien demander que l'on t'invite aussi, mais c'est impossible, bien sûr.
    Il pouvait se décomposer au bout du fil ou essayer de garder une contenance. Il pencha vers la seconde éventualité, avec un succès limité :
    —    Bien sûr. Ma présence serait tout à fait déplacée.
    Il y eut un autre silence très court, puis il demanda encore :
    —    Est-ce que je peux compter te revoir dimanche ?
    —    Non. Je suis désolée, je pars pour Montréal demain. J'ai une abondante parenté d'oncles et de tantes à voir avant Noël. En fait, je ferai le trajet entre Montréal et Charlevoix le 24, d'une seule traite.
    Il eut tout juste assez de décence pour ne pas lui demander l'heure de son train afin d'aller lui souhaiter un «joyeux Noël» sur le marchepied de son wagon, quand il arrêterait nécessairement à la gare de Québec pour prendre des passagers.
    —    Je suppose que l'on ne se reverra pas avant le début de janvier, alors ?
    —    Je ne pense pas.
    Ressentant une petite culpabilité de l'abandonner ainsi, elle demanda:
    —    Que vas-tu faire pendant les fêtes ?
    —    Aller à New York, je pense.
    Il avait affirmé cela tout d'un coup, afin de dire quelque chose. L'instant d'après, il trouva que ce n'était pas une mauvaise idée.
    —    Chanceux, fit-elle d'un ton enjoué.
    Avait-elle craint d'être la cause d'un autre drame dans sa vie ? En tout cas, elle semblait soulagée.
    —    Joyeuses fêtes, Renaud.
    —    C'est ça. Toi aussi.
    Il raccrocha tout doucement. Qu'avait dit Elise, exactement? Il se sentit envahi par une haine profonde. Si quelqu'un lui avait demandé envers qui, il aurait dit Henri Trudel, ou même Helen. En réalité, elle était dirigée contre lui-même. Il n'avait de reproche à adresser à personne d'autre.
    Le lendemain, un samedi, Renaud erra un long moment dans les grands magasins décorés pour Noël. La lourde insistance sur les présents à donner à ses proches dénaturait les célébrations à venir. Au Québec, la grande journée des étrennes demeurait encore le 1 er janvier. Même s'il trouvait cette mise en marché du bonheur un peu sordide, il traîna tout de même dans les magasins jusqu'à l'heure de la fermeture.
    Cet homme demeurait un vieux garçon bien plus désespéré que ne l'était la vieille fille Elise Trudel. Sa voiture se trouvait en face du magasin THIVIERGE. Il était au volant un peu après six heures, à attendre la sortie de Germaine Caron. Il éclata d'un grand rire quand il la vit sortir au bras de John Grâce. L'employé l'avait rejointe à l'intérieur du magasin. Ils marchaient tous les deux d'un pas rapide. Le couple n'avait pas beaucoup de temps à perdre : des répétitions interminables à la chorale pour bien maîtriser tous les cantiques de la messe de minuit, puis des fiançailles au réveillon familial de la jeune femme, tout de suite après. Le commis était passé rapidement du statut de prétendant rejeté à celui de promis.
    Renaud les regarda s'en aller dans la rue Saint-Joseph, comme soudés l'un à l'autre. Ils seraient mariés au printemps
    - peut-être peu après Pâques -, dénicheraient un petit appartement correct dans Saint-Jean-Baptiste, juste en haut de la côte, tout près des escaliers. Germaine regretterait le niveau de vie dont elle avait rêvé un moment avec son avocat, mais Grâce lui donnerait la relative sécurité du petit employé. Elle dominerait la relation, puisqu'il tenait beaucoup plus à elle qu'elle ne tenait à lui. Derrière son volant, Daigle ne ressentait aucun mépris en évoquant tout cela. De toute façon, ces deux là s'en tiraient beaucoup mieux que lui.
    Malgré ses réserves sur cette

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