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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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politiques.
    Au cours des semaines suivantes, le professeur ne pensa pas trop à l'affaire Blanche Girard. En fait, il soignait ses plaies. Pendant tout l'automne, plusieurs femmes étaient passées dans sa vie et il avait ruiné toutes ses chances. Avec une certaine régularité, il se rendait au Chat pour raconter ses malheurs à Lara. Elle écoutait attentivement, heureuse de rompre la routine infernale du bordel. Pour Renaud, cela valait sans doute aussi bien que les services d'un analyste, tout en revenant moins cher. La situation n'était même pas exceptionnelle : une prostituée devenait facilement la confidente (le ses clients moroses.
    Après le long récit de ses histoires avec Helen, Germaine et Elise au plus froid de février, l'homme se découvrit un intérêt nouveau pour Lara. Un samedi sibérien, il demanda :
    —    Est-ce que tu sors d'ici, parfois ?
    —    Ce n'est pas un cloître. Il m'arrive de mettre le pied dehors.
    Elle dit cela d'un air de fausse gaieté, sachant très bien où il voulait en venir. De nombreux clients cherchaient à fuir ces murs déprimants afin de donner un peu de normalité aux rencontres sexuelles.
    —    J'aimerais t'amener autre part. Que dirais-tu de venir au cinéma, puis de manger ensuite avec moi? Ou manger avant, si tu préfères.
    —    Que veux-tu, exactement ? Me sortir, ou me baiser ailleurs qu'ici ?
    C'était une bonne question. Sortait-on avec une prostituée ? De très nombreux hommes d'un certain âge, en Angleterre, entretenaient une jeune femme, s'affichaient parfois avec elle. C'était aussi de la prostitution : une femme obtenait le niveau de vie d'une petite employée, parfois celui d'une épouse d'un homme assez prospère, en échange de services intimes et d'une compagnie. Les plus chanceuses d'entre elles vivaient un peu comme les épouses d'un voyageur de commerce ou d'un marin, sauf que celui-ci ne restait à peu près jamais toute la nuit. Tant qu'à voir toujours la même prostituée, se disait Renaud, un arrangement de ce genre serait moins scabreux et plus satisfaisant. Il ne voulait brûler aucune étape, cependant.
    —    Je voudrais juste me trouver ailleurs avec toi. Je te raconte ma vie, sans jamais m'intéresser à toi.
    —    Très bien. Quel jour te convient le mieux ?
    —    Tu peux sortir comme cela, quand tu veux ?
    —    Pas tout à fait. Mais Berthe m'aime bien. Les autres tricotent ou brodent, ou bayent aux corneilles dans leurs moments libres. Elle est très impressionnée parce que je lis. Elle rêve de me voir la remplacer un jour.
    «Dans ce domaine aussi, on peut avoir un plan de carrière », songea-t-il. Il répliqua :
    —    Tu serais beaucoup mieux qu'elle. Tu es beaucoup trop bien pour cet endroit. Tu n'as jamais eu envie de chercher une maison plus...
    Renaud chercha un mot qui ne serait pas blessant. Il voulait dire respectable. Il opta pour:
    —    ... dispendieuse.
    —    Nous ne sommes pas comme les avocats, qui vendent leurs services librement. Je suis en quelque sorte la propriété de quelqu'un, un peu comme un étalon dans une écurie de chevaux de course. Je dois rapporter à mon propriétaire.
    Renaud ne sut quoi répondre à cela. Les journaux publiaient de nombreux articles sur les réseaux de prostitution, notamment sur la «traite des Blanches». Des groupes organisés enlevaient ou asservissaient autrement des jeunes femmes pour les forcer à se prostituer dans des «pays exotiques». Les jeunes femmes recrutées dans la province ne devaient jamais rien voir de plus exotique qu'un touriste américain. Cependant, il songea pour la première fois qu'elles pouvaient être soumises à une situation proche de l'esclavage. Il se sentit soudainement beaucoup moins bien dans sa peau de client.
    —    Par exemple, murmura-t-il, pourrais-tu m'accompagner demain ?
    —    Je crois bien que oui. Le dimanche est une journée plutôt tranquille. Les clients doivent sanctifier le jour du Seigneur.
    Elle eut un petit rire cynique.
    —    Est-ce que je dois... en parler à Berthe? Lui donner quelque chose ?
    —    Je comprends que tu veux simplement sortir?
    Il lui fit signe que oui.
    —    Dans ce cas, je vais te consacrer mon jour de congé.
    Bien sûr, ces femmes ne pouvaient faire ce travail sans aucun jour de repos. Renaud se sentit touché qu'elle accepte de le voir ce jour-là. A sa place, jamais il n'aurait rencontré un client pendant son jour de

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