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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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relâche. Finalement, ils s'entendirent pour se retrouver à la porte du cinéma de la place D' Youville le lendemain, pour la séance de l'après-midi.
    Arriverait-elle vêtue de façon indécente ? Renaud l'imagina en courtisane, avec tous les regards outrés ou concupiscents posés sur elle. Il se demanda aussi si certains clients ne la reconnaîtraient pas. Dans ce cas, une réaction publique était peu à craindre, mais il serait sûrement fustigé en privé pour oser se promener au bras d'une femme de mauvaise vie. Si des maisons « de tolérance » existaient, c'était justement pour les soustraire à la vue des personnes respectables. S'exposer en public avec l'une d'elles était du plus mauvais goût. Le professeur regretta presque de l'avoir invitée.
    Puis il se trouva stupide quand il la vit. Vêtue comme tout le monde, c'est-à-dire sans ses «habits de travail», il la reconnut difficilement. Elle portait un manteau élégant, avec un col relevé bien haut à cause du climat polaire, un chapeau « cloche » tout à fait à la mode. Ce couvre-chef laissait passer une ou deux boucles rousses. Il lui tendit le bras avec un sourire contrit, un peu honteux pour toutes ses inquiétudes, et entra dans le cinéma avec elle. Son sourire à elle lui fit comprendre qu'elle devinait très bien ses craintes.
    Quand elle détacha son manteau, au moment de prendre place dans des fauteuils du balcon, elle révéla une robe bien plus longue que toutes celles de Helen. Il découvrait une femme très jolie, très élégante et très réservée. Quand les lumières s'éteignirent, il prit sa main, elle appuya son épaule contre la sienne. Rien de lascif dans tout cela, seulement la complicité.
    Le film, c'était The Kid, avec Charles Chaplin. Une bonne moitié de la salle, Lara parmi elle, se trouva en pleurs. Des pleurs mêlés aux éclats de rire, bien sûr. Renaud trouvait cela un peu ridicule. A la fin de la représentation, ils se retrouvèrent dans un restaurant du Quartier latin. Alors que Lara lui disait combien elle avait apprécié le film, il lui fit observer :
    —    Tu ne trouves pas que les ficelles étaient un peu grosses ?
    —    Comment cela ?
    —    Il était certain d'émouvoir avec une histoire d'enfant à placer dans un orphelinat. En fait, en mettant la caméra devant le visage d'un enfant et en lui pinçant une fesse pour le faire pleurer, il était sûr de faire brailler les foules à l'unisson.
    —    Ce n'est pas une situation originale, j'en conviens. Un enfant placé à l'orphelinat, c'est plutôt banal. Il y a justement un orphelinat près d'ici. À deux minutes du cinéma, en fait.
    Il l'avait vexée. Elle continua bientôt:
    —    Cependant, toutes les personnes qui ont vécu la réalité de l'orphelinat, comme parent ou comme enfant, savent bien toute l'horreur de ces maisons. Des prisons où des bourgeoises essaient d'inculquer leurs valeurs à des armées d'enfants, à coups de fouet, bien souvent. Va voir un orphelinat de près, tu viendras me dire si c'est banal ensuite.
    —    Je ne voulais pas te...
    Il n'eut pas le temps de finir, elle l'interrompit:
    —    C'est un peu comme la mort, n'est-ce pas? Mets une caméra sur le visage d'un mourant, tu vas émouvoir les foules. C'est encore plus commun que l'orphelinat: cela arrive à tout le monde. Tu vas me dire que c'est banal?
    Cette fois, il attendit d'être sûr qu'elle avait terminé avant de reprendre :
    —    Je ne voulais pas te blesser. C'est vrai, je ne connais pas du tout cette situation.
    Surtout, il le devinait, compte tenu de son métier, ce sujet pouvait lui être très familier. Son sourire revint devant son an contrit. Elle lui demanda :
    —    Tu penses que c'est un film sur l'enfant d'un vagabond menacé d'être enfermé dans un orphelinat?
    Elle le regardait avec un air espiègle maintenant.
    —    Oui. C'est ça l'histoire...
    —    Comme tu es naïf.
    Elle disait cela comme si elle lui trouvait une grande-qualité. Il fut tout de même vexé à son tour.
    —    Je ne trouve pas. Les gens disent que je suis cynique, d'habitude. Mais je suis sûr que tu vas m'expliquer le vrai sens de ce film.
    Elle le contempla avec le même sourire, son chapeau si bas sur les yeux qu'elle semblait le regarder par «en dessous». Ses yeux étaient tout brillants.
    —    L'histoire de l'orphelinat, c'est un prétexte. Même si cela devait toucher Chaplin, dont la mère a été

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