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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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chef Ryan. Très occupé, le fonctionnaire répondait pourtant tout de suite à ses communications.
    —    Daniel, un avocat est venu demander des renseignements sur l'affaire Blanche Girard.
    Elle avait commencé à l'appeler Daniel quand il l'avait aidée à inscrire les enfants dans une nouvelle école. Toutes ces démarches lui paraissaient très compliquées, en septembre dernier. Lentement, elle en prenait maintenant l'habitude.
    —    Qui ça ?
    Au son de la voix dans le cornet, elle sut tout de suite avoir fait une gaffe.
    —    ... Renaud Daigle.
    —    Je ne le connais pas. Que lui as-tu dit?
    —    Rien. Je ne connais aucun détail sur cette affaire. Je n'ai même pas lu tous les articles des journaux.
    Sa voix se faisait chevrotante. Ce ne serait pas la dernière mauvaise nouvelle de la journée, l'officier de police le devinait. Malgré sa peur, il réussit à maîtriser le timbre de sa voix. Cette femme l'émouvait tellement, il ne voulait pas la voir malheureuse à cause d'une affaire à laquelle elle ne comprenait rien. Quand il enchaîna, ce fut d'un ton très doux, presque paternel :
    —    Qu'est-ce qu'il y a ? Tu ne me dis pas tout, n'est-ce pas ?
    —    Je conservais quelques carnets de l'été dernier. Tu sais, des petits carnets à la couverture noire.
    —    Il les a regardés ?
    —    II... il est parti avec.
    Ryan aurait voulu hurler une volée de jurons. Cependant, il réussit à garder le même ton posé pour dire :
    —    Tu as bien dit Renaud Daigle ? Ces carnets seraient mieux au poste. Je vais m'arranger pour les récupérer. Ne t'en fais pas. Et puis sais-tu ce que je ferai cet après-midi?
    La jeune femme n'osa pas risquer une hypothèse.
    —J'irai chez toi et nous regarderons ensemble s'il subsiste autre chose dans l'appartement au sujet des enquêtes de Maurice. Plus personne ne te dérangera avec cela.
    Ils échangèrent encore quelques phrases. Quand la femme raccrocha, elle se sentait beaucoup mieux. Ryan, de son côté, poussa un long soupir. Les ennuis s'amoncelaient au-dessus de sa tête. C'était sa faute, pas celle de cette pauvre... veuve. Aucun terme ne la désignait mieux, en réalité. Nettoyer son appartement aurait dû figurer parmi ses priorités. Comment avait-il pu oublier que Gagnon semait ses petits carnets noirs autour de lui ?
    En aidant cette femme de son mieux, le policier arrivait ;i réduire son sentiment de culpabilité. Parfois, il prenait conscience avec gêne qu'il se préoccupait plus de son sort que de celui de ses propres filles. D'un autre côté, ses filles n'avaient pas un mari à Saint-Michel-Archange un peu par sa faute. Ryan se prenait même à espérer qu'un jour leur relation prendrait un caractère plus intime. Cela n'arriverait sans doute jamais, mais juste d'y penser lui plaisait beaucoup.

Chapitre 18
    Quatre petits carnets noirs au creux de sa main. Pouvaient-ils contenir toutes les réponses à ses questions? En les feuilletant, l'avocat se rendit compte de la difficulté à leur donner un sens. Gagnon paraissait en prendre un au hasard le matin en allant travailler, noircissait les pages, puis en utilisait un autre le lendemain. Au moins, les renseignements relatifs à une journée d'enquête se trouvaient à la suite les uns des autres. Chacune des pages commençait par une date. Il inféra en effet que « 13 a.» signifiait 13 août, « 1 s.» 1 er septembre, et ainsi de suite.
    Le professeur entendait procéder avec méthode. Il dégagea la surface de son bureau, arracha une à une les pages paraissant en lien avec l'affaire Blanche Girard et entreprit de les classer dans un ordre chronologique. Au bout d'une heure, il y avait une cinquantaine de ces petites feuilles, le plus souvent couvertes de quelques mots griffonnés à la hâte. Parfois, le lieutenant avait pris la peine de s'appuyer sur une table, sur le capot d'une voiture, ou sur une autre surface dure pour s'appliquer un peu à rédiger un début d'hypothèse.
    L'opération l'émouvait quelque peu, car elle permettait de reconstituer une réflexion, ce que Gagnon ne pouvait évidemment plus faire. Sous ses yeux, il possédait la première allusion à Blanche Girard: la visite du couple Germain au poste de police. Venait ensuite la découverte du corps dans le parc Victoria. Une note très brève se montrait pourtant éloquente: «livret bancaire d'Henri Trudel. Coupable???» Dès le lendemain, le policier avait noirci une bonne page

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