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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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l'avait à peine effleurée quand l'autre fit un mouvement vif de la main droite, à la hauteur de sa poitrine. Quelque chose refléta les lumières de l'entrée, le tissu crissa. Une intense brûlure partant du sein gauche irradia toute sa poitrine.
    Un rasoir pliant. L'agresseur le tenait bien haut maintenant, à la hauteur du visage de sa victime, comme s'il voulait le défigurer d'un autre coup, ou le tuer, s'il visait la gorge. De sa main gauche, il accrocha Renaud par le revers de son manteau et lui murmura, en le tirant vers lui :
    —    Pour votre santé, monsieur Daigle, oubliez Blanche Girard.
    Ensuite, l'inconnu s'éloigna rapidement, traversa la rue, déserte à cette heure, et disparut dans la pénombre.
    Renaud ressentait toujours la brûlure dans sa poitrine, extrêmement douloureuse. Tiède, son propre sang imbibait lentement ses vêtements. Une longue coupure traversait le devant de son manteau, d'un côté à l'autre. Ses genoux tremblaient sous son poids, fléchissaient un peu. Il eut la présence d'esprit de se pencher pour ramasser l'enveloppe, puis il se dirigea vers la porte. La chaleur de l'entrée le fit se sentir plus faible. Il dut appeler pour attirer l'attention du concierge. L'employé le considérait avec méfiance depuis la visite des policiers la veille. Le blessé s'appuya d'une main sur son bureau. Son gant imbibé de sang laissa une grande empreinte sur le sous-main.
    — Appelez un médecin immédiatement. C'est un coup de couteau.
    L'autre le dévisageait, hébété. Le blessé se dirigea ensuite vers l'ascenseur d'un pas mal assuré. Il dut s'appuyer au mur de la petite cabine, le temps d'atteindre son étage. Dans son appartement; il alla tout de suite vers la salle de bain. Mieux valait enlever ses vêtements dans une pièce au plancher en tuile, pour éviter de tout salir. Son paletot atterrit dans le bain, de même que son veston. Le devant de sa chemise blanche était englué de sang. Il eut beaucoup de mal à l'enlever car les mouvements de ses bras sollicitaient les muscles de sa poitrine.
    Devant la glace, il apprécia l'étendue des dégâts. La lame du rasoir avait tracé une fine coupure partant de la pointe du sein gauche pour s'allonger à l'horizontale sur plus de quinze centimètres. Plutôt superficielle mais très douloureuse, la coupure présentait peu de gravité. Son épais paletot et son veston avaient encaissé une bonne partie du coup. Autrement, il aurait été ouvert jusqu'aux côtes. Une serviette pressée sur l'estafilade arrêta l'écoulement de sang.
    Assis sur le couvercle de la toilette, la tête lui tournant un peu, il attendit l'arrivée du médecin. La faible quantité de sang perdu ne pouvait expliquer son état. Celui-ci tenait plutôt au choc nerveux. Une bonne dizaine de minutes après être revenu à son appartement, le blessé entendit crier dans l'entrée :
    —    Il y a quelqu'un ?
    —    Dans la salle de bain.
    Un vieux monsieur apparut devant lui, un sac de cuir à la main. Le praticien avait pris le temps d'enlever son manteau dans le vestibule.
    —    Oh ! Vous ne vous êtes pas fait cela en vous rasant.
    Dans les circonstances, Renaud trouva cet humour déplacé.
    Il répondit néanmoins :
    —    C'est pourtant le résultat d'un coup de rasoir.
    Le nouveau venu enleva la serviette de la blessure et, après avoir regardé autour de lui, l'expédia dans la baignoire avec les vêtements. Il en mouilla une autre et essuya le sang sur la poitrine.
    —    Voilà une coupure bien nette, pas trop profonde. Vous ne garderez pas de séquelles. La seule chose à faire est de nettoyer et de recoudre.
    Si cette blessure n'inquiétait guère le médecin, Renaud la trouvait diablement douloureuse. Les choses n'allaient pas s'arranger. L'autre lui demanda:
    —    Ce ne sont pas quelques points de suture qui vont vous effrayer, si j'en juge par cette cicatrice.
    Il désigna la boursouflure d'un rose malsain au côté du blessé, tout en sortant son fil chirurgical.
    —    Alors, j'avais perdu conscience. Les chirurgiens ne m'ont pas ranimé juste pour me recoudre à froid.
    —    Bof ! Ce sera un mauvais moment à passer.
    Ce vieil homme avait débuté sa carrière à l'époque où les produits anesthésiants commençaient tout juste à s'imposer. À ses yeux, l'innovation se révélait peu utile. Renaud trouva la douleur à peine tolérable. Quand le médecin eut fini, son teint présentait la pâleur d'un drap

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