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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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éloquente sur les frustrations populaires, le désir de certains individus de rendre quelques coups. Le contenu des carnets aurait permis de créer de grands désordres.
    Renaud résistait toujours devant l'évidence. Il se souvenait des six étudiants placés côte à côte au début de l'année scolaire, dans le grand amphithéâtre. Ces jeunes gens avaient-ils tué une femme ? Tout au plus, il les avait soupçonnés de former une petite bande un peu dérangeante pour les autorités universitaires. Le professeur fit demi-tour et reprit le chemin de Québec. Sa petite expédition ne devait pas avoir été remarquée. Il était resté absent de son appartement à peine plus de deux heures en tout, avec le trajet du retour.
    La porte de son appartement était déverrouillée. Pareille distraction n'était pas bien grave: un concierge limitait les allées et venues dans le grand édifice. Renaud changea tout à fait d'idée quand il mit les pieds dans son salon. La surface de son bureau ne portait plus aucun feuillet. Non seulement les carnets étaient disparus, mais tous ses papiers avaient été remués. Les tiroirs de son bureau demeuraient entrouverts, comme ceux de son classeur. La scène se répéta dans la chambre. Le matelas avait été laissé de guingois après avoir été déplacé pour voir dessous, tous les tiroirs de la commode se trouvaient sens dessus dessous, la garde-robe était en désordre.
    La première réaction du locataire fut la colère. Il descendit pour demander à un concierge ébahi :
    —    Il y a des gens qui sont venus chez moi ?
    En entendant le timbre accusateur de sa voix, l'employé passa tout de suite à la défensive :
    —    Oui, deux policiers. Ils m'ont affirmé avoir pris un rendez-vous par téléphone, alors je les ai laissés monter.
    —    Je n'étais pas là.
    —    Je... je ne savais pas.
    —    Vous leur avez ouvert la porte de mon appartement ?
    Cela paraissait bien indélicat, assez pour entraîner un congédiement immédiat.
    —    Non, bien sûr que non. Il y a eu un vol ?
    —    Oui... C'est-à-dire non, pas vraiment.
    La disparition de carnets obtenus de façon tout à lait irrégulière attirerait peu de sympathie devant un tribunal. Le concierge demanda d'une voix timide :
    —    Vous voulez que j'appelle la police ?
    Au regard furibond de Renaud, l'homme conclut que ce n'était pas nécessaire.
    L'avocat remonta chez lui. Il récupéra ses deux armes dans le tiroir du bas de sa commode, mit des balles dans le barillet de son revolver et le garda à portée de main toute la soirée. Non seulement il venait de perdre la mince preuve de la culpabilité de ces fils de notables, une preuve bien fragile d'ailleurs, mais la police ne s'était pas embarrassée des moyens légaux pour la récupérer. Ces visiteurs avaient simplement crocheté sa serrure. Au bout du compte, il se trouvait réduit à l'impuissance, alors que les autorités connaissait ses soupçons. Désormais, il serait une cible sans avoir les moyens de répliquer.
    Savoir que des inconnus pouvaient entrer dans son appartement n'améliora en rien la qualité du sommeil de Renaud.
    En conséquence, il se leva tard sans être vraiment reposé et passa la majeure partie de la journée à s'inquiéter de sa situation. L'idée d'une conspiration impliquant la police le laissait abattu: personne n'assurerait sa protection. Devrait-il se barricader dans son appartement jusqu'à la fin de ses jours, une arme près de lui ?
    L'avocat se résolut à sortir en fin d'après-midi, pour souper. Se retrouver dans un restaurant familier, avec ses journaux, lui procurerait l'impression d'un retour à la normalité. Ce fut peine perdue: les articles sur la probabilité d'une nouvelle élection lui rappelèrent indirectement l'affaire Blanche Girard. Au moment du retour à la maison, dans Grande Allée bien éclairée, il avait retrouvé un sentiment relatif de sécurité. Comme ils possédaient les carnets, ces conspirateurs n'avaient plus rien à craindre de lui, ils le laisseraient désormais tranquilles.
    Rasséréné, il arriva à proximité du Morency. Un individu se tenait près de la porte. Cette personne devait attendre un taxi, ou quelqu'un. Renaud commença à s'alarmer un peu quand l'homme s'approcha de lui.
    —    Monsieur Daigle ? J'ai un message pour vous.
    L'inconnu lui tendait une enveloppe tout en s'approchant.
    L'avocat fit un pas dans sa direction pour la prendre. Il

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