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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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deux fois par mois, pour avoir des congés.
    —    Dimanche ?
    —    Ce jour convient le mieux. En amis ?
    —    Bien sûr.
    L'homme lui adressa un sourire piteux.
    —    Dans ce cas, je vais aller chez toi.
    Même interrompues par les visites de Renaud, Lara trouvait les soirées de plus en plus longues, de plus en plus difficiles à supporter. Evoquer les clients dont le comportement était au mieux saugrenu, au pire dangereux, ne favorisait pas sa sérénité. S'évader dans ses livres ne suffisait plus: avant longtemps elle commencerait à s'anesthésier avec du gin dès le lever, pour s'endormir tous les soirs avec quelques verres de plus. En fin de soirée, Berthe sentit son découragement. Elle lui tendit son verre de lait chaud en rappelant:
    —Je suis sérieuse, tu sais. Bientôt, je vais laisser tomber : tu pourrais commencer tout de suite à apprendre le métier.
    Le statut de tenancière représenterait une amélioration très nette de sa condition.
    —Je dois quitter cet endroit. Je ne veux plus y rester, même pour faire le ménage.
    —    Ton jeune notable à lunettes te met des idées folles en tête.
    Berthe avait baissé le ton pour échapper aux oreilles indiscrètes. Il y avait suffisamment de sympathie dans sa voix pour que Lara ne s'en formalise pas.
    —    Je n'ai besoin de personne pour avoir envie de partir.
    —    Tout de même, il te plaît, n'est-ce pas? Après ses visites, tu sembles plus déprimée. Il t'a proposé de t'installer dans un petit appartement pour avoir l'exclusivité ?
    —    Non. Il est seulement gentil. Avec lui, j'arrive à croire qu'il est possible de voir un homme sans toujours se coucher sur le dos.
    —    Avec les hommes, on finit toujours sur le dos, ou sur le ventre. Va demander aux ouvrières, aux secrétaires...
    Elle reprenait là sa vieille lubie : quant à avoir les hommes aux fesses, autant leur faire payer le maximum.
    —    Tu peux demander aux épouses, aussi !
    —    Dans ce cas, autant se passer d'eux complètement. Je vais me coucher.
    Berthe s'élança sur ses talons, la rattrapa au bas de l'escalier pour demander à voix basse :
    —    L'autre fois, tu es sortie avec lui?
    Lara ne répondit pas. Incapable de mentir à sa seule amie, elle ne voulait pas lui dire la vérité non plus.
    —    Fais attention à Ovide.
    La jeune fille baissa la tête, se mordit la lèvre inférieure. Elle murmura en montant l'escalier :
    —    Dimanche, j'irai voir un film.
    Berthe ne fut pas dupe, mais préféra ne rien dire. Si la gamine arrivait à s'envoler, tant mieux pour elle.
    Une certitude, ce n'est pas une preuve. Renaud se demandait comment en obtenir une. Pour la police, peu après le crime, cela n'aurait pas été très difficile. Après plus de six mois, aucune piste ne devait encore exister.
    L'avocat pensa au lieutenant Gagnon. Si celui-ci avait profité d'un congé pour faire une enquête personnelle - une hypothèse de Lavigerie -, peut-être avait-il parlé de ses découvertes à quelqu'un, ou laissé des notes. Dès le lendemain matin, il chercha le nom de Maurice Gagnon dans un annuaire de la ville. Cette démarche lui procura l'adresse du policier. Il avait habité tout près du Morency, dans Saint-Jean-Baptiste. Quelques minutes plus tard, Renaud se rendait rue Roberval, une artère fort agréable, avec ses grands arbres de chaque côté et ses solides maisons en brique de deux ou trois étages.
    Sa femme devait encore habiter là. Aussi, quand quelqu'un répondit à la porte, il demanda :
    —    Madame Gagnon, je présume ?
    —    Oui.
    Il lui tendit sa carte, portant son nom et sa profession.
    —    Je m'appelle Renaud Daigle. J'aimerais vous parler de votre mari.
    L'inquiétude marqua son visage. Elle craignait un problème avec le versement de la pension. Comme la femme ne disait rien, il osa:
    —    Je peux entrer?
    Elle s'écarta pour le laisser passer, ferma la porte derrière lui. Heureusement, les enfants se trouvaient à l'école. Si cet homme apportait des mauvaises nouvelles, elle aurait le temps de se calmer et de prendre un air assuré avant leur retour. Il ne fallait plus les inquiéter, le départ brutal de leur père les avait assez perturbés comme cela. Elle l'invita à s'asseoir dans le petit salon, posa le bout des fesses sur un fauteuil. Ses mains se posaient naturellement sur l'arrondi de son ventre. Le bébé serait là bientôt. Elle réussit finalement

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