Haute-Ville, Basse-Ville
ouvrit les bras. Elle se précipita contre lui pour entendre un grand cri au moment de se presser contre sa poitrine.
La jolie rousse s'arrêta, interdite. A ce moment, elle aperçut la crosse du revolver dépassant de la poche de sa robe de chambre. Il ferma enfin la porte de l'appartement derrière elle en disant:
— J'ai été attaqué.
L'homme entrouvrit sa robe de chambre pour lui montrer le grand pansement lui couvrant la poitrine. Quand le verrou fut poussé, il posa sa main sur son cou, juste sous l'oreille gauche, et lui dit en la regardant dans les yeux :
— Tu es décidée, tu ne remets plus jamais les pieds là-bas?
— Jamais. J'aimerais mieux mourir.
D'autres larmes suivaient les premières. Le mélange de désespoir et de résolution dans sa voix l'émut beaucoup. Il l'embrassa sur chaque joue, essuyant ses larmes avec ses lèvres. Ce genre de tendresse n'était pas pour calmer l'émotion de la jeune femme. Il réussit à la serrer un peu contre lui, sur le côté, ce qui provoqua tout de même une grimace de douleur.
— Tu as amené tes choses? Je ne porterai pas ta valise, j'essaie de ne pas utiliser mes muscles, aujourd'hui.
— J'ai dû laisser mes livres, mes revues. J'ai mis quelques vêtements dans ce sac et je l'ai jeté d'une fenêtre, ce matin. Je ne voulais pas sortir-avec une valise à la main, je me serais fait attraper aussitôt.
— Tu n'as pas eu de difficulté ?
— Pas vraiment. J'ai pris l'air le plus naturel possible pour dire que j'allais au cinéma. J'ai récupéré mon sac dans la neige et je suis allée prendre un taxi à la gare. Mais j'ai eu très peur en bas. Je pensais que tu m'avais oubliée.
Il lui adressa un sourire contrit avant d'admettre :
— Avec ce qui s'est passé hier, mes idées sont un peu emmêlées. Mais je ne t'avais pas oubliée.
Ce n'était pas tout à fait vrai.
Elle ouvrit sa robe de chambre et passa un doigt léger sur le pansement. Du sang avait taché les pièces de gaze.
— Qu'est-ce qui t'est arrivé? fit-elle, transférant sur lui toute son angoisse.
— Quelqu'un m'a donné un coup de rasoir hier soir, juste comme je rentrais ici.
— Mais pour quelle raison ?
Dès qu'elle eut enlevé son manteau, il l'invita à s'asseoir et entreprit de lui raconter les derniers événements, tout en confessant son intérêt pour l'affaire Blanche Girard. Il ne donna pas trop de précisions, ni les noms des coupables. Il se contenta de conclure :
— Ce sont des personnes importantes. La police a décidé de les protéger plutôt que de les poursuivre.
Elle ne protesta pas, cela ne lui semblait pas du tout impossible, ni même improbable. Lara se contenta de dire tout en touchant encore le pansement:
— Les policiers ne travaillent pas de cette manière. Ils préfèrent les matraques. Je connais des virtuoses du rasoir... non, plutôt un seul. Tu peux me le décrire ?
— Il faisait sombre. Je l'ai juste vu un court moment quand il s'est avancé sous les lumières de l'entrée. Il portait un chapeau noir enfoncé sur les yeux. Son visage était marqué de cicatrices, comme les gens victimes de la picote ou souffrant d'acné. Il avait le nez un peu de travers aussi.
— Ovide Germain.
Les mots tombèrent un peu comme une sentence. Elle murmura encore :
— Je suis pas mal certaine que c'est lui.
— C'est le fils des parents adoptifs de Blanche Girard ? Comment sais-tu cela ?
Elle le regarda un moment, hésitante, puis expliqua enfin:
— Il est régulièrement au bordel. Il a recruté plusieurs filles et touche sa part des profits. Il s'occupe aussi de contrebande d'alcool ou d'opium. On le retrouve dans toutes les activités criminelles, en réalité.
Ce voyou l'avait recrutée le premier jour, à la gare. Elle préféra ne pas l'évoquer.
— Je ne comprends pas le motif de son attaque. Il a lui-même été soupçonné de ce meurtre. Il devrait être heureux que je trouve les coupables.
— L'initiative ne doit pas venir de lui. Il avait un alibi solide pour le meurtre de Blanche Girard. Cet événement ne doit pas l'inquiéter. Le salaud doit faire le boulot d'un autre.
— Pour le compte de qui ? Des meurtriers ?
— Selon toi, la police est impliquée pour protéger les coupables. Ne cherche pas plus loin. Personne de la Haute-Ville n'est venu lui demander de faire un travail de ce
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