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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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s'aperçut que la familiarité du gamin ne convenait plus maintenant.
    —    Vous serez professeur à la faculté de droit en septembre. Nous serons tous de vos étudiants.
    Cela excluait les deux jeunes femmes, auxquelles les études de droit à l'Université Laval demeuraient interdites.
    —    En effet, répondit Daigle. Je vais donner un cours sur le droit constitutionnel.
    —    Croyez-vous qu'un cours comme celui-là soit vraiment utile, dans la formation d'un avocat? demanda le jeune Fitzpatrick. Il n'y en a pas eu au programme depuis des années.
    La question était pour le moins déplacée, adressée ainsi à la personne qui devait assumer cet enseignement. Elle l'aurait été dans la salle de classe, elle l'était encore plus lancée à la tête d'un invité. Elise Trudel pinça les lèvres; les autres baissèrent les yeux. Daigle était sans doute le moins surpris du groupe: ce genre de question lui avait été posé tout au long de ses études.
    —    Je me rappellerai de vous demander, dès le premier cours, un texte de dix pages sur ce sujet: «Est-il utile à un avocat de bien connaître la loi fondamentale du pays où il exerce sa profession ? » Bien entendu, comme je crois que c'est très utile, vous feriez mieux d'arriver à la même conclusion, avec de bons arguments, sinon la poursuite de vos études sera compromise : la réussite de ce cours est obligatoire pour continuer le programme.
    La réplique s'accompagnait d'un petit sourire. Si Renaud affichait une certaine timidité, il ne se laisserait certainement pas bousculer par des gamins d'une petite ville de province, dont la culture se situait dans les frontières étroites tracées par une armée de prêtres enseignants. La mine renfrognée de Fitzpatrick témoignait de sa frustration. Il ne venait pas de se faire un ami de cet étudiant. Les deux autres garçons, tout comme Helen, s'amusaient ferme, alors qu'Elise s'inquiétait de la tournure des événements. Son rôle était de maintenir chez chacun des invités un état de contentement béat. Si l'on en arrivait à élever la voix et à se dire des choses désagréables, ce serait bien sûr la faute des visiteurs, mais aussi la sienne : une bonne hôtesse devait savoir maintenir l'harmonie.
    Elle ne trouva rien de mieux que de rappeler :
    —    N'avions-nous pas prévu de jouer au tennis? Comme nous sommes six maintenant, nous pourrons former des paires.
    —    Je n'avais pas prévu, risqua Daigle en montrant d'un geste vague sa tenue.
    —    Ce n'est rien. Le niveau de compétition ne sera pas bien élevé, vous ne serez pas trop désavantagé par vos habits de ville. Voici la raquette de mon frère. Il ne pourra se libérer de ses tâches politiques avant la fin de l'après-midi.
    Il aurait eu mauvaise grâce à refuser. De toute façon, comme quatre personnes occuperaient d'abord le terrain, il pouvait se réfugier dans le rôle de «réserviste». Lui et Elise affronteraient les gagnants de la première joute, convint-on bien vite. La grande affaire fut cependant de former les premières équipes. Lafrance et Fitzpatrick se disputaient l'honneur de jouer avec la belle Helen. Celle-ci regardait la discussion avec l'air de celle pour qui il était tout à fait naturel d'être l'objet d'affrontements de ce genre. Elle affectait d'ignorer être l'objet d'une convoitise «sportive». Finalement, Lafrance l'emporta, avec l'argument qu'il fallait quelqu'un de très fort avec elle pour rétablir l'équilibre entre les équipes. Bégin semblait tout à fait indifférent à la question, mais Fitzpatrick fulminait visiblement de se faire rabrouer une seconde fois. La partie put enfin commencer.
    Renaud et Elise approchèrent leur chaise du court, pour regarder la joute. Le jeune homme se demandait si sa voisine était l'une de ces vieilles filles que les mères, selon Mgr Neuville, essaieraient de lui refiler. Célibataire à plus de vingt-cinq ans - elle ne portait pas d'alliance, mais surtout, aucun enfant ne s'accrochait à ses jupes -, elle devait considérer comme une aubaine la venue d'un célibataire à Québec. Dans son milieu, celles qui avaient le malheur de ne pas pouvoir se trouver un fiancé entre dix-huit et vingt et un ans risquaient fort de n'en pas dénicher du tout.
    Pour une femme, cette éventualité s'avérait un échec. Incapable de poursuivre une carrière professionnelle, elle vieillirait dans la maison paternelle, s'occuperait des parents et

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