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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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plus rude, mais la Chevrolet pouvait affronter les trous et les bosses sans trop gémir. Un panama pour se protéger du soleil, ses lunettes teintées de vert, des gants qui laissaient voir ses jointures et le bout de ses doigts, son petit nœud papillon et son veston de lin d'un gris très pâle, Renaud faisait estival. Il avait cherché longtemps comment s'habiller. Il voulait faire bonne impression sans donner dans l'ostentation. Quand il sentait la timidité l'envahir, il affichait des coquetteries vestimentaires.
    Parti dans la matinée, il se retrouva à La Malbaie un peu après midi. Atteindre le Manoir Richelieu exigeait largement plus de trois heures. L'hôtel du Canadien Pacifique avait toujours l'air cossu de son souvenir. La majorité des clients étaient des anglophones de Montréal désireux de respirer l'air pur de Charlevoix. Son premier souci fut de prendre possession de sa chambre, de se dépoussiérer un peu et de manger. Puisqu'il ne voulait pas arriver chez les Trudel trop tôt, il s'installa sur l'une des chaises «adirondack» dispersées sur la grande pelouse, avec quelques journaux. Il vit que ceux-ci reprenaient encore largement les témoignages entendus à l'enquête du coroner.
    Il devait bien être deux heures trente quand il reprit son auto pour se rendre chez les Trudel. Il dut demander son chemin à quelques reprises pour trouver la maison du ministre. Tous les badauds à qui il s'adressait connaissaient l'illustre personnage, mais les indications pour se rendre au domicile de celui-ci n'étaient limpides que pour ceux qui les donnaient. Enfin, il atteignit une énorme maison de pierre grise, toute récente lui sembla-t-il : elle ne devait pas avoir été construite depuis plus de cinq ou six ans. Elle témoignait sans doute de tous les profits de guerre encaissés par les investisseurs restés à l'arrière. Le visiteur préféra se stationner dans la rue, car déjà une demi-douzaine de voitures s'alignaient près de la maison. A la jeune domestique au fort accent de Charlevoix venue ouvrir, il déclina son identité. Elle s'éclipsa pour aller chercher la maîtresse de maison.
    — Monsieur Daigle ? fit bientôt une matrone en s'approchant de lui. Comme vous ressemblez à votre père.
    Il entendrait cette entrée en matière des dizaines de fois au cours des prochaines semaines. Renaud serra doucement la main tendue, se déclara enchanté de faire sa connaissance. Il s'agissait d'une femme de forte taille, qui portait haut ses deux mentons. Un rang de perles autour du cou disait clairement son statut social, même si sa tenue était par ailleurs assez discrète.
    —    Venez derrière, tous nos jeunes invités se trouvent dans le jardin.
    Derrière elle, il traversa quelques pièces de la demeure cossue, puis se retrouva dans un grand jardin soigneusement entretenu. Autour d'une table, des jeunes gens devisaient gaiement. La maîtresse de maison se fit un devoir de faire les présentations :
    —    Ma fille, Élise.
    Le nouveau venu se déclara de nouveau enchanté de faire la connaissance d'une grande jeune femme âgée de vingt-six ans environ, peut-être un peu plus. Ce fut ensuite le tour de Helen McPhail. Cette fois, Renaud affirma être «very pleased»: elle lui répondit dans un français sans accent. Puis vinrent ensuite les garçons. Michel Bégin lui serra la main avec enthousiasme, lui réservant un sourire de circonstance entre de vieilles connaissances. En 1914, encore enfant à l'époque, il l'avait beaucoup admiré car Renaud avait terminé bon premier à l'examen de fin d'études classiques administré par l'Université Laval dans les collèges et séminaires à l'est de Trois-Rivières.
    Le visiteur se vit ensuite présenté à William Fitzpatrick et Romuald Lafrance. Il serra les mains, prit la chaise qu'on lui offrait. Puis madame Trudel retourna à ses obligations, laissant à sa fille le soin de jouer le rôle de maîtresse de maison. Elle faisait cela à la perfection, s'assurant que le nouvel invité se retrouve avec une limonade à la main tout en s'informant de l'état de la route, de la durée du trajet. Ils échangèrent aussi les quelques mots d'usage sur la clémence exceptionnelle de la température. Les autres avaient repris leur conversation là où ils l'avaient laissée. Mais à la première pause dans l'échange entre Elise et Renaud, Michel Bégin saisit l'occasion :
    —    Tu... vous, se corrigea-t-il aussitôt.
    Le garçon

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