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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Aussi Blanche se retrouva avec une robe plus belle que toutes celles endossées au cours de sa vie - une robe d'embaumeur, fendue dans le dos -, dans un cercueil dispendieux. Morte paisiblement dans son lit, aucun de ces privilèges ne lui auraient été octroyés. Quelle ironie: on s'occupait si bien d'elle une fois morte, alors que, vivante, chacun avait détourné la tête de ses malheurs.
    En fin d'après-midi, ce samedi, après plus d'un mois île beau temps ininterrompu, l'orage se déchaîna pendant tout le temps de la cérémonie. L'abbé Melançon ne put s'empêcher de souligner ce revirement subit du climat : un signe du ciel pour souligner sa réprobation devant le vice qui se répandait dans la province de Québec, autrefois si catholique et si française. Tous les thèmes qui faisaient les meilleures pages de L'Action catholique y passèrent : la longueur des robes, la légèreté des maillots de bain, la dégénérescence    des    danses    comme
    le charleston, la sauvagerie des styles musicaux comme le jazz, les automobiles, les cinémas ouverts le dimanche, l’alcool.
    —    Bref, tout ce qui me plaît, ne put s'empêcher de murmurer Renaud.
    Mais Blanche avait échappé à tout cela, grâce à sa vertu inébranlable. Le célébrant ne put s'empêcher de reprendre sa formule favorite :
    —    A tous les êtres vils insinuant qu'elle a peut-être été moins vertueuse que je le dis, sa mort offre la meilleure réponse. Moins vertueuse, elle serait restée vivante.
    L'ecclésiastique marqua une pause pour laisser ses mots sublimes pénétrer toutes les âmes.
    —    Cette fois, dans une église si bellement décorée, devant une foule si nombreuse, sous l'effet de chants qui déchirent l'âme, termina-t-il, je ne peux plus, je ne veux plus m'empêcher de le dire, le Canada français a trouvé sa Maria Goretti en Blanche Girard.
    L'émotion était à son comble, certaines ouailles affirmèrent même plus tard que le père Germain avait versé une larme. Le forgeron supposa quant à lui qu'il avait une poussière dans l'œil.
    L'assistance était nombreuse, mais curieusement composée. Il y avait le père et la mère adoptifs, et, à l'autre bout de la nef, l'oncle et la tante Girard. Les trois frères ne se trouvaient pas là. Tous les habitants de la paroisse s'entassaient dans les bancs - ne pas y être aurait été inadmissible -, au coude à coude avec de nombreux inconnus. Des journalistes et des photographes des journaux de la ville se transformaient en voyeurs. Des délégations de couvents et d'écoles publiques de filles pleuraient à chaudes larmes. Pendant les vacances, il avait été difficile de retrouver les élèves, mais leur présence en ces lieux servirait à leur édification.
    En plus, Renaud et le lieutenant Gagnon se tenaient debout à l'arrière du temple.
    À la mine défaite de ce dernier, on pouvait avoir l'impression qu'il enterrait sa femme. Le policier avait passé la semaine en pyjama, sans sortir de son appartement du quartier Saint-Jean-Baptiste. Il avait envoyé vertement promener le chef Ryan quand celui-ci avait voulu lui communiquer le jour et l'heure de son rendez-vous chez le médecin. Cela ne présageait rien de bon pour son avenir au sein des forces de l'ordre. Alors que son épouse éprouvait une angoisse croissante face à l'avenir, lui devenait de plus en plus indifférent. Sa présence en ces lieux aujourd'hui ne lui remontait pas le moral.
    Quand vint le moment d'accompagner le corps à son dernier repos, la foule fondit rapidement. La défunte serait inhumée au cimetière Saint-Charles, une distance trop longue pour les piétons. Renaud prit Germaine avec lui. Il était heureux de n'avoir que deux sièges dans sa voiture, car tous les membres de la chorale cherchaient un moyen de transport. Quand le couple arriva au cimetière, la mère adoptive de Blanche, la moitié de ses connaissances de la chorale, le lieutenant Gagnon, un journaliste ou deux et une demi-douzaine de commères se tenaient près du trou devenu boueux. Il ne pleuvait plus, mais le ciel d'un gris de plomb et le froid ajoutaient à la tristesse.
    — Les funérailles de Blanche ont amené une journée de novembre au cœur d'un bel été, expliqua le curé Melançon à ces quelques témoins.
    Un coup de tonnerre arrêta la péroraison, ce qui amena Renaud à conclure que cette fois-là au moins le ciel était clément.
    La chorale essaya de chanter quelque chose, mais

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