Helvétie
mais continuèrent à circuler sous le manteau.
8 D’après le recensement publié en 1801, le pays de Vaud ne comptait alors que trois paroisses catholiques pour cent trente acquises à la religion réformée. La population était de 152 440 habitants, dont 1 520 catholiques.
9 The Life and Letters of William Beckford of Fonthill , Lewis Melville, éditions William Heineman, Londres, 1910.
10 L’original de ce mémorial des bourgeois de Vevey est conservé dans les Beckford Papers à la Bodleian Library, Oxford.
11 Les cent trente-huit lettres de Belle de Zuylen à Constant d’Hermenches, déposées à la bibliothèque de Genève, fonds Constant, ont été publiées, en 1909, par Philippe Godet, chez Jullien, à Genève, et Plon, à Paris, sous le titre Lettres de Belle de Zuylen . Trente-deux lettres de Constant d’Hermenches à Belle de Zuylen sont déposées à la bibliothèque de Neuchâtel ; soixante-seize autres figurent dans les archives de la famille Constant de Rebecque. Sous le titre Les Mariages manqués de Belle de Zuylen , la baronne Constant de Rebecque a publié, en 1940, chez Payot, à Lausanne, la correspondance classée des amants épistoliers. Après avoir garanti l’exactitude des « lettres copiées sur les originaux », la descendante du baron d’Hermenches croit utile de préciser : « Certaines parties, trop intimes ou dépourvues d’intérêt, ont été supprimées. »
3.
– Qu’il a grandi en huit jours ! s’exclama Charlotte, penchée sur son fils dont la nourrice achevait la toilette.
– Il est de bonne constitution, votre garçon, et facile. Pas un pleur. Il réclame la tétée à petits cris, comme un oiseau. Et même cette petite coquetterie qu’il a dans l’œil…
– Quelle coquetterie ?
– Eh ben, voyez donc. Il a pas les deux yeux pareils, ce petit, dit la femme en redressant la tête de l’enfant.
Charlotte crut défaillir en découvrant que la nourrice disait vrai. Axel avait le regard vairon… comme Blaise de Fontsalte. Elle se laissa tomber sur une chaise, la main au front, pâle, le cœur battant la chamade.
– Faut pas vous frapper comme ça, madame Métaz, c’est pas une tare. Et ça veut pas dire que le garçon y verra pas clair comme un autre… Et puis ça peut s’arranger… avec le temps.
Dès que l’enfant fut dans son berceau et la nourrice partie, Charlotte prit son fils dans ses bras et s’approcha de la fenêtre. L’enfant, propre et nourri, allait s’endormir. La clarté brutale du soleil lui fit ouvrir les yeux. Aucun doute n’était plus possible, l’œil droit paraissait marron clair, le gauche couleur turquoise. M me Métaz posa l’enfant sur sa couche, caressa le duvet blond et frisotté qui lui couvrait la tête et se dit qu’au moins Axel ne serait pas brun comme son père. Puis, sentant ses jambes se dérober, elle s’assit et s’interrogea. La veille, lors de son retour de Lausanne, Guillaume n’avait fait aucune allusion à cette anomalie. Il avait seulement vanté, comme la nourrice, la constitution harmonieuse et le calme du bébé. Après l’étreinte conjugale, dont il était sevré depuis plusieurs semaines, Guillaume avait souhaité que sa femme lui donnât bientôt une fille aussi réussie et sans défauts qu’Axel. « Sans défauts » semblait indiquer que le regard de son fils ne lui paraissait pas anormal.
Charlotte s’abandonnait à des réflexions désordonnées quand Flora apparut. Elle offrait son visage fermé des mauvais jours et, après un baiser rapide, l’Italienne entreprit immédiatement son amie :
– Alors, tu as vu ses yeux ? Dis donc, tu as vu ses yeux…, non… mais tu as vu ses yeux ? lança-t-elle rageusement en désignant le berceau où l’enfant dormait déjà.
– J’ai vu, dit Charlotte, accablée et se mordant les lèvres.
– Ils sont vairons, ses yeux, vairons ! Pff, ma belle, tu nous as fait un petit Français ! Ce sont les yeux de ton soudard. Un bleu, un marron. Ma pauvre Carlotta, te voilà dans de beaux draps !
Charlotte se mit à pleurer doucement. Elle resta ainsi un moment, le menton sur la poitrine, puis leva sur Flora un regard embué de larmes.
– Mais enfin, au lendemain de sa naissance, ses deux yeux étaient semblables…, gris ardoise, je m’en souviens !
– Te souviens-tu aussi de ce que t’a dit la sage-femme quand tu as regretté que les
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