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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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de construire des montgolfières capables d’emporter trois mille hommes au-dessus de la Manche ! L’idée d’un fou !
     
    – J’aimerais bien avoir un ballon qui vole. Je le ferais voler sur le lac, dit Axel qui, poursuivant son idée, s’exprimait avec lenteur mais netteté.
     
    Deux jours plus tard, Polline et Pernette, nourrice de Blandine, inquiètes de ne pas voir l’enfant jouer sur la terrasse, se mirent à sa recherche. Elles le trouvèrent, perché au faîte d’une échelle appuyée contre le mur de l’écurie, sous la porte du fenil, par laquelle les palefreniers rentraient le fourrage des chevaux. Axel, assis sur le seuil étroit et sans forjet, tenait son ballon à deux mains. Polline eut assez de présence d’esprit pour ne pas troubler l’enfant par une brutale remontrance.
     
    – Que fais-tu là-haut, mon Axou ? dit-elle, employant le diminutif familier que Guillaume donnait à son fils.
     
    – Je vais voler avec mon ballon, tu vas voir, lança gaiement Axel qui, se dressant en équilibre sur le dernier barreau de l’échelle, se préparait à sauter dans le vide.
     
    – Il va se rompre le cou sur les pavés ! Dieu juste, qu’est-ce qu’il faut faire ! se lamenta Pernette.
     
    – Faut surtout pas lui faire peur, dit Polline, les dents serrées. Tu vas passer par l’escalier, monter dans la grange et venir sans bruit jusqu’à la porte et tu attraperas le petit…
     
    Puis, levant la tête vers l’enfant, elle l’invita à patienter.
     
    – Faut d’abord voir s’il y a du vent. Sans vent, ton ballon volera pas.
     
    – Mais quand y aura du vent ?
     
    – Bientôt, tu as qu’à attendre une couple de minutes, la vaudaire va souffler, tu vas voir, attends… et ne te penche pas trop !
     
    Le sang-froid de la vieille Polline fut récompensé quand elle vit Pernette apparaître à genoux derrière Axel, saisir l’enfant à bras-le-corps et rentrer avec lui dans la grange en poussant un « Ça y est, je le tiens ! » qui en disait long sur son émotion. Seul le ballon, lâché par Axel, vint rebondir sur les pavés de la cour. Polline le ramassa et, comme Pernette la rejoignait, tenant par la main l’enfant penaud et renfrogné, la vieille bonne des Métaz invita sa jeune compagne à prendre à la cuisine « un verratson 1 de blanc pour passer la frayeur ».
     
    D’un commun accord, les deux femmes donnèrent aux parents d’Axel une version édulcorée de l’événement, qui eût pu se terminer de façon tragique. Guillaume, qui craignait que son fils ne renouvelât sa tentative icarienne, convoqua le palefrenier.
     
    – Je veux plus voir une échelle de poueinte 2 contre un mur, pour pas que mon garçon ait encore envie de s’aguiller 3 . Et tu me mettras un péclet 4 à la porte de la grange.
     
    – Bin sû, approuva le brave homme, qui comprenait mieux le patois vaudois que le français.
     

    Depuis la fâcherie de Charlotte avec Flora Baldini, cette dernière ne faisait plus à Rive-Reine que de rares apparitions, ce qui amena tout naturellement Guillaume à s’en étonner, un soir, devant les habitués de sa maison.
     
    – Quelle mouche a donc piqué ton amie Flora ? On ne la voit plus guère et, quand elle vient voir son filleul, c’est tout juste si elle dit trois paroles.
     
    – Elle a été très occupée pendant l’absence de Tignasse. Elle devait, toute la journée, tenir l’épicerie et, le soir, faire les comptes, préparer les commandes. Crois-moi, ce sont des occupations pour une femme comme Flora, qui n’est pas habituée au commerce, expliqua Charlotte.
     
    – Je comprends qu’elle se soit peu montrée pendant que sa sœur était à Rome avec Julien, mais, maintenant que Tignasse est de retour, la belle Flora pourrait nous honorer de sa visite et de ses emportements. Je suis certain que le prochain couronnement de l’empereur Napoléon I er doit lui inspirer de belles diatribes contre celui qu’elle a toujours nommé l’usurpateur, dit Chantenoz.
     
    – Sans compter que, si le pape fait le déplacement de Rome à Paris, comme le donnent à entendre les journaux, peut-être qu’il viendra avec sa garde pontificale et que le gars Julien sera du voyage, ajouta Blanchod.
     
    – Se faire sacrer par le pape est la façon qu’ont les usurpateurs de fonder une dynastie. Pépin le Bref n’a pas agi autrement. Il s’est même fait sacrer deux fois, par deux papes différents, pour faire bonne

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