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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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1803.
     
    L’émotion provoquée dans le pays de Vaud par la métamorphose de Bonaparte, Premier consul, en Napoléon I er , empereur des Français, retomba en quelques jours. Il n’est pas dans le tempérament vaudois de s’immiscer dans les affaires des étrangers et encore moins de juger du bien-fondé de leurs décisions ou de faire des pronostics sur les conséquences éventuelles de celles-ci. Seuls les intellectuels du type Chantenoz, que passionnait le sort de l’Europe, les membres des Grand et Petit Conseils, responsables des destinées du canton, évoquaient, généralement à l’occasion d’un événement, la mutation de la République française en empire héréditaire.
     
    La condamnation à mort et l’exécution, le 25 juin à Paris, de Georges Cadoudal et de onze conjurés n’étonnèrent personne. La presse, qui avait rapporté les aveux sans fard du chef chouan, livra aussi à la curiosité morbide du peuple les derniers mots désabusés du condamné, alors qu’il montait à l’échafaud : « Nous voulions faire un roi, nous faisons un empereur ! »
     
    Guillaume reconnut, une fois de plus, que son ami Chantenoz disait juste quand il parlait de l’utilité des complots pour assurer l’autorité des dictateurs, soucieux de procéder avec un semblant de légalité ! Quand, un peu plus tard, on apprit dans le cercle des Métaz que la peine du général Moreau, l’ancien commandant de l’armée du Rhin et d’Helvétie, condamné à deux ans de prison, était commuée en bannissement aux États-Unis, Chantenoz proclama que c’était là une belle erreur des juges.
     
    – Bonaparte, ou plutôt Napoléon, comme on doit dire maintenant, le retrouvera un jour en face de lui ! Seuls les morts ne trahissent pas !
     
    Alors que personne ne s’y attendait, Charlotte intervint ce jour-là, avec une véhémence inhabituelle, pour regretter que ce général félon n’eût pas eu la tête tranchée comme Cadoudal.
     
    – Bigre, tu lui en veux, à cet homme ! Peut-on savoir pourquoi ? interrogea Martin.
     
    – Eh bien, parce qu’il a… parce qu’il… ne doit pas y avoir deux poids et deux mesures, voilà, c’est tout, répondit-elle, un peu confuse.
     
    Personne ne pouvait deviner que la politique de M me  Métaz était faite par son amant français. Elle tenait en effet de Blaise que Moreau, opposant envieux de Bonaparte, déjà surveillé par le service des Affaires secrètes, s’était, un soir, moqué ouvertement des membres de la Légion d’honneur, en faisant son cuisinier « grand chevalier de la casserole ».
     

    Axel, bien qu’âgé seulement de trois ans et demi, était toujours, sans qu’on s’en rendît compte, attentif aux propos des grandes personnes, quand le cercle des Métaz se rassemblait, sous les platanes de la terrasse, à la fin de l’après-midi. Souvent, un mot entendu suscitait la curiosité de l’enfant et provoquait ce que Chantenoz appelait des « questions gigognes » parce que chacune des interrogations d’Axel en cachait une série d’autres, comme la jupe de Dame Gigogne dissimulait une foule d’enfants. Fin septembre, alors que Blanchod commentait devant ses amis l’étonnante ascension en ballon de Louis-Joseph Gay-Lussac, que tous les journaux rapportaient, Axel, entendant le mot ballon, s’était rapproché du groupe.
     
    – Le savant a atteint l’altitude de 7 016 mètres. Personne avant lui n’est monté en ballon aussi haut dans l’atmosphère. C’est un exploit, expliqua le vigneron.
     
    – Où qu’il est, ce ballon du monsieur, parrain Simon ? demanda Axel.
     
    – Oh ! il est loin ! Et puis c’est pas un ballon pour jouer, c’est un gros gros ballon, qui se gonfle et qui emporte les savants dans le ciel, très très haut.
     
    – Comme un oiseau, alors, comme celui qui vient de la montagne, le soir, alors ?
     
    – Oui, c’est ça. C’est un ballon qui monte comme le milan.
     
    – Et, quand il est bien monté, le ballon, il redescend avec le monsieur ?
     
    – Oui, le ballon descend doucement et arrive par terre, comme ton ballon à toi, dit Blanchod.
     
    – Je voudrais bien un ballon comme ça !
     
    – Un jour, peut-être, quand tu seras grand, tu trouveras un savant qui voudra bien t’emmener dans son ballon.
     
    – Un savant ou un militaire, car on a soumis à Bonaparte, pour la descente en Angleterre, le projet d’un certain Jean-Charles Thilorier, qui se propose

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