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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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enthousiasme.
     
    – Ce que notre cher almanach ne dit pas, et que nous avons appris depuis, commenta Martin Chantenoz, qui avait d’autres lectures, c’est que Bonaparte s’est couronné de ses propres mains afin, a-t-on dit, de montrer qu’il ne tenait sa majesté que de lui-même et pour prouver au peuple l’indépendance du pouvoir temporel par rapport au spirituel. Ainsi, tout le monde fut satisfait, les laïques comme les catholiques, les monarchistes comme les républicains, les militaires comme les civils. Et Flora, la papiste, ne peut plus, aujourd’hui, se déclarer ennemie jurée d’un empereur oint par son pape et reconnu souverain par « la grâce de Dieu » !
     
    L’interpellée, aussitôt, s’insurgea :
     
    – Pie VII a été obligé de se prêter à ce simulacre de sacre, à cette apostasie, comme disent les royalistes, et c’est pourquoi il n’a béni que les insignes des monarques, a refusé de poser lui-même la couronne sur la tête de l’usurpateur et qu’il s’est esbigné pour ne pas entendre cet empereur de pacotille jurer qu’il ferait respecter la liberté de tous les cultes, ce qui met les usuriers juifs et les Turcs au même rang que les chrétiens ! Voilà ce qu’il faut savoir, Martin ! Et moi, je tiens cela de mon beau-frère, Julien Mandoz, qui le tient du commandant de la Garde pontificale, Charles Pfyffer d’Altishofen, de Lucerne. Tout le Vatican a été au courant des tractations difficiles entre le cardinal Consalvi, secrétaire d’État, négociateur du Concordat, et l’oncle de Bonaparte, ce Joseph Fesch, ancien garde-magasin enrichi dans la fourniture aux armées, dont l’usurpateur a fait un cardinal !
     
    – Allons, allons, Pie VII et Bonaparte se valent. Ce sont deux malins qui ont conclu une affaire. En échange de l’onction, le Corse a garanti la sécurité des États pontificaux, a rendu au pape le duché d’Urbino, a autorisé la fondation de séminaires et a donné vingt millions pour payer les curés ! fit observer Blanchod.
     
    Guillaume Métaz, qui voyait dans la fondation de la nouvelle dynastie impériale un gage de stabilité dans les institutions françaises et, par voie de conséquence, une vraie tranquillité pour la Suisse, intervint :
     
    – À vous entendre, on croirait que Bonaparte a forcé la main des Français, catholiques ou autres. Vous oubliez qu’il y a eu, l’an dernier, un plébiscite et que plus de trois millions et demi de votants ont approuvé la fondation d’un empire héré ditaire, contre moins de trois mille qui entendaient s’y opposer. Que cela plaise ou non, le nouvel empereur tient sa légitimité du peuple, ce dont ne peut se vanter aucun des monarques qui règnent en Europe. Et puis il n’a fait que ramasser la couronne et le sceptre que les Bourbons ont laissés tomber !
     
    – Guillaume parle juste, concéda Chantenoz, et je pardonnerai tout à ce condottiere génial s’il parvient à libérer les peuples encore soumis à la tyrannie des princes et à construire une Europe paisible et prospère, où tous les hommes se sentiront libres et responsables de leur destin. Car l’Europe est, peut-être, la terre natale d’une nouvelle civilisation.
     
    – Le colonel Antoine-Henri Jomini, de Payerne, aide de camp de Ney, et très apprécié de Bonaparte depuis la publication d’un certain traité de stratégie, était récemment de passage dans sa famille. Il a dit à l’un de ses parents, qui me l’a répété pas plus tard qu’hier, qu’une des grandes pensées de Bonaparte est, justement, d’aider à l’agglomération des peuples d’Europe, unis par la langue et la culture, que les invasions, guerres et conquêtes ont morcelés, puis de fonder avec ces nations une grande confédération européenne, un peu à l’exemple de la nôtre. Après tout, nous avons bien fini par nous mettre d’accord, entre gens qui ne parlent pas la même langue, qui n’ont pas la même religion, entre citadins et paysans. Pour l’Europe, cela doit arriver par la force des choses et mieux vaut l’organiser que le subir.
     
    – On dit aussi que Napoléon voit plutôt l’Europe comme un ensemble homogène, qui rappellerait l’Empire romain ou celui de Charlemagne, risqua Charlotte, qui ne faisait que citer Blaise de Fontsalte, Européen convaincu.
     
    – D’ailleurs, renchérit son mari, il veut que les grandes écoles françaises, l’École polytechnique entre autres, soient

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