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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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coup de lance amorti, qui lui a entamé l’épaule et déchiré le bas de la joue gauche. Quand je l’ai quitté, son épaule était complètement guérie et il laissait pousser ses favoris pour dissimuler la cicatrice de sa joue. Cette cicatrice est d’ailleurs d’une extrême finesse, notre grand chirurgien, M. Larrey 1 , étant, non seulement un habile opérateur, mais aussi un excellent couturier ! Quant aux bonnes nouvelles, qui découlent de la bravoure de mon ami, elles sont deux. Il a été nommé général de brigade et promu officier dans l’ordre de la Légion d’honneur. Soyez donc fière d’être l’amie d’un héros reconnu. Il m’a chargé de vous transmettre des pensées dont vous seule connaissez la chaleur. »
     
    Suivait une très flatteuse formule de politesse, que M lle  Rudmeyer éluda.
     
    – Eh bien, te voilà rassurée ! Ton vaillant chevalier a reçu à la fois une estafilade et une étoile. Encore deux ou trois bons coups de sabre et il sera maréchal, comme ceux que vient de nommer Napoléon !
     
    – Savez-vous, ma tante, que Blaise a aussi une mère et une sœur ? J’ose espérer qu’elles sont maintenant, comme moi, tirées d’inquiétude, répliqua un peu sèchement Charlotte.
     
    Rassérénée, elle s’apprêtait à relire la lettre de Ribeyre quand Axel, revenant d’une promenade avec la gouvernante de Mathilde, fit une bruyante irruption dans le salon. Il commença à raconter, avec exubérance et volubilité, tout ce qu’il avait vu dans la rue de Bourg et dans la pâtisserie de la place Saint-François, où il venait de déguster sa première crème glacée.
     
    Un peu plus tard, en se rendant avec sa tante chez Chapuis, le premier gantier de Lausanne, pour acheter des gants de chevreau, Charlotte prévint sa parente qu’elle n’aurait plus désormais à servir de boîte aux lettres.
     
    – Je suis réconciliée avec Flora Baldini et, comme elle habite seule, maintenant, une petite maison dans l’Entre-deux-villes, je ne crains plus aucune indiscrétion, comme au temps où elle logeait avec sa sœur. Je demanderai donc à Blaise de m’écrire chez elle. Ainsi, ma tante, vous serez débarrassée d’une charge qu’il vous déplaisait un peu d’assumer.
     
    – Comme tu veux, ma petite, mais ton courrier ne me souciait guère. Tu connais mon sentiment sur tes relations avec ce général Fontsalte, dont je n’imaginais pas qu’il manifesterait à ton égard une telle fidélité. La seule chose à éviter, c’est le scandale. Pour toi, pour ton mari et aussi, penses-y, pour ton garçon, qui est bien déluré pour son âge. Si tu as confiance en Flora, c’est bien, et… j’espère que je te verrai aussi souvent !
     
    – Vous savez bien, ma tante, que je ne peux pas me passer de vous et de la ville. À Vevey, il y a de telles lenteurs dans mes jours, une telle absence d’imprévu, à cause des habitudes et du rythme monotone des travaux et des petits événements sans surprise que ramènent les saisons de la vigne ! Ce n’est qu’à Lausanne, chez vous, avec vous et parmi vos amies que je prends intérêt à la vie. Et là, les heures passent trop vite…
     
    – Les années aussi, hélas, soupira Mathilde en prenant affectueusement sa nièce par la taille.
     
    – C’est vrai. Axel a déjà cinq ans et il me semble qu’il est né hier, reconnut Charlotte, juxtaposant par la pensée sa rencontre avec Blaise et la naissance de son fils.
     
    – Et moi, j’approche de la fin de la vie, ajouta Mathilde.
     
    – Ma tante, pourquoi avez-vous de telles pensées !
     
    – Sais-tu qu’un médecin s’est avisé, en allant fouiller dans les registres d’état civil tenus depuis je ne sais combien de temps par les pasteurs 2 , de calculer la durée moyenne de vie des Lausannois et des Lausannoises ? Il a trouvé qu’un garçon qui vient au monde aujourd’hui peut espérer vivre trente ans, une fille trente-trois ! Alors, avec mes cinquante ans sonnés, je suis une sorte de Mathusalem !
     
    Ce fut au tour de Charlotte de manifester la tendre affection qu’elle portait à sa tante.
     
    – Vous êtes en excellente santé, vous montez la rampe de la cathédrale comme une jeune fille et votre peau a un velouté que beaucoup de femmes plus jeunes vous envient ! Alors, de grâce, laissez les médecins à leurs tables de mortalité, à leurs moyennes…
     
    – Le fait est que je ne me suis jamais sentie proche de la

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