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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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gloussements indignés et la dame reprit :
     
    » D’un mot à l’autre, ils en sont venus à se crier des choses épouvantables et, si mon beau-père, qui avait entendu la querelle, n’était pas intervenu, sûr que le mari de Fanette eût tué le petit, qui va aujourd’hui à l’école avec le mien.
     
    – Comment tout cela s’est-il terminé ? demanda la femme du pasteur.
     
    – Deux ou trois mois plus tard, Éloi a été écrasé par un demi-muid qu’il chargeait sur un triqueballe. Vous ne vous souvenez pas de cet accident sur le port ?
     
    Plusieurs dames attestèrent de la fin du mari trompé, car, si les accidents en cours de chargement des barques étaient fréquents, ils n’étaient que rarement mortels.
     
    – Ce n’était pas un mauvais bougre, cet Éloi. Il avait accepté d’élever l’enfant de la trahison avec les trois autres et sans faire de différence. Mais la révélation de son malheur l’avait rendu taciturne, il buvait encore plus qu’avant. Il évitait de parler aux gens. Il était devenu comme honteux.
     
    – Mais sa veuve ne s’est-elle pas remariée ? demanda Élise Ruty.
     
    – Si, avec un peintre de Lausanne. Elle lui sert de modèle et pose nue ! Oui, ma chère, nue ! Le père de mon mari, qui est un homme d’une grande bonté, a même acheté un tableau à ce peintre. C’est ainsi que la Fanette est maintenant accrochée dans le salon de ma défunte belle-mère… et dans le plus simple appareil ! Ceux qui l’ont connue et qui voient cette toile disent que le peintre a beaucoup embelli Fanette. Personnellement, je ne l’aurais pas reconnue, conclut naïvement l’épouse de l’apothicaire.
     
    Cette tirade amena quelques sourires amusés sur les lèvres des auditrices. Tout Vevey savait que le vieil apothicaire avait longtemps été l’amant de Fanette quand elle servait sous son toit. Lui, au moins, devait savoir si le second mari de la belle avait ou non idéalisé l’anatomie de l’ancienne domestique.
     
    En sortant de la réunion avec Flora, qui raccompagnait son amie à Rive-Reine, Charlotte laissa libre cours à son humeur.
     
    – Je déteste ce genre de conversation. Je trouve de tels commérages indignes des premières dames de la ville. Je ne sais ce qui m’a retenue de quitter le salon. Seul le respect dû à la femme du syndic qui nous recevait, sans doute !
     
    – Seulement le respect dû à la femme du syndic, ou as-tu senti passer le vent du scandale qui pourrait un jour t’atteindre, comme cette gourgandine de Fanette ? persifla Flora.
     
    – Pourquoi dis-tu cela ? Je suis à l’abri de tout soupçon. Si ces commères avaient le moindre doute sur la fidélité de M me  Guillaume Métaz, il y a dix ans qu’elles l’auraient, d’une façon ou d’une autre, fait savoir, dit Charlotte, catégorique.
     
    – Elles n’ont pas de soupçon en effet… pour le moment, et je souhaite pour toi qu’elles n’en aient jamais, Carlotta. Mais, je t’en conjure, sois vigilante, ne raconte rien à ces femmes de ce que tu apprends par les lettres de Blaise ou au cours de vos rencontres. Le soupçon peut naître d’une simple comparaison, d’un mot, d’un recoupement fortuit, d’un hasard. Et, maintenant que Guillaume voyage de plus en plus souvent, je tremble qu’un jour il ne rencontre certain général à l’œil vairon qui passe de temps en temps par Lausanne !
     
    – Tu as raison, Flora. Le regard, le beau regard, si particulier, d’Axel reste la vraie menace pour ma tranquillité, finit par reconnaître Charlotte.
     
    Les deux femmes s’embrassèrent en se quittant.
     

    Le fait d’avoir les deux yeux de couleurs différentes n’avait jamais sérieusement préoccupé Axel. Il fallut un jeu, où Nadine et Nadette Ruty citèrent comme signe distinctif le regard vairon du fils Métaz, pour que ce dernier examinât de plus près cette anomalie. Il n’aimait pas l’entendre rappeler, qu’elle fût moquée ou seulement évoquée. Un matin de juin, Martin Chantenoz, arrivant à Rive-Reine, surprit son élève debout sur un tabouret, devant la glace qui surmontait la cheminée du salon.
     
    – Si Polline te trouve ainsi, elle te dira : « Le diable va sortir de la glace et te mordre le nez. »
     
    – Je sais, et puis elle dira aussi : « Si tu te fais des grimaces devant le miroir, tu resteras avec ta grimace sur la figure », mais je ne crois pas, comme Blandine, au diable caché dans le

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