Helvétie
Saint-Maurice, Martigny, Saint-Pierre et autres lieux. Cette avant-garde, qui se mettra en route entre minuit et deux heures du matin, devrait passer le Grand-Saint-Bernard au cours de la nuit du 14 au 15 mai. Elle est composée de régiments d’élite bien armés et aguerris. Certains ont participé à la guerre de Vendée. Sous le commandement du général de brigade Mainoni : la 28 e demi-brigade de bataille, un bataillon de la 44 e demi-brigade, un bataillon helvétique, un bataillon de Piémontais qui marchent avec les Français. Sous le commandement du général de brigade Watrin : la 6 e demi-brigade légère, la 22 e et la 40 e de bataille. Sous le commandement du général de brigade Rivaud : le 12 e régiment de hussards et le 21 e de chasseurs. L’artillerie comprend : quatre pièces de 4, deux pièces de 8, deux obusiers, quatre pièces de 4 genevoises, six petites pièces de 2 qui sont déjà à l’hospice du Grand-Saint-Bernard où se trouvent, depuis un an, deux cents fantassins et artilleurs. »
Suivait l’énumération des troupes composant les divisions Loison, Boudet, Chambarlhac, Chabran, tous les détails concernant les effectifs de l’infanterie et de la cavalerie, une situation de l’artillerie, du gros de l’armée et même le nombre de bœufs – près d’un millier – qui accompagnaient l’armée pour assurer la ration quotidienne d’une demi-livre de viande par soldat !
– Tudieu ! cracha Fontsalte en sautant de son lit.
Tandis qu’il passait sa tenue de service et glissait ses pistolets dans sa ceinture, l’officier apprit toute l’affaire de la bouche de Trévotte. Le maréchal des logis fumait sa pipe au bord du lac, en compagnie de deux chasseurs qui, comme lui, ne parvenaient pas à trouver le sommeil, quand une barque s’était approchée du rivage, sans faire de clapotis. À peine la proue du bateau avait-elle raclé en grinçant les galets de la berge qu’un individu, jusque-là caché sous les arbres, s’était avancé vers le batelier et lui avait tendu un petit paquet blanc. Les chasseurs avaient aussitôt pensé contrebandiers. Mais Titus, rendu, par ses fonctions auprès de Fontsalte, plus attentif aux menées anti-françaises, avait, lui, pensé espions.
– Les chasseurs étaient sans arme mais j’avais mon pistolet. On leur a tombé dessus comme des chiens. C’est là que j’ai vu qu’un des deux était une femme. Elle a essayé de déchirer les papiers et de les jeter dans l’eau, mais je les ai attrapés à temps. Sauf une feuille que j’ai repêchée et que voilà un peu trempée, conclut le maréchal des logis en tendant à Fontsalte un papier humide et froissé.
Bien que l’encre eût été diluée par l’eau, le capitaine déchiffra la suscription : « À remettre au général Wukassovitch. »
Ce général autrichien, Blaise de Fontsalte le connaissait comme un des vaincus de Rivoli, en janvier 97, et il savait qu’il commandait un corps de troupes, de l’autre côté des Alpes.
– Allons voir ces égipans, lança-t-il en dévalant l’escalier.
Une autre surprise attendait l’officier dans l’écurie où les interpellés avaient été enfermés par Trévotte, sous la garde des chasseurs. Si le bacouni, un vieux rabougri, édenté et penaud, dont Titus éclaira le visage, était inconnu du capitaine, ce dernier identifia au premier regard la complice. Autant l’homme paraissait confus et ennuyé, autant l’Italienne, campée, le menton haut, l’œil brasillant de défi, semblait prête à affronter son sort.
– Tiens, M lle Baldini a donc des rendez-vous nocturnes au bord du lac ! Pareille conduite a de quoi surprendre, de la part d’une jeune fille de bonne éducation, persifla Blaise.
– Je n’ai aucun compte à vous rendre et dites à ces brutes de me laisser rentrer chez moi ! cria Flora.
Sa voix tremblait de colère et d’indignation. Fontsalte n’en fut pas impressionné.
– S’il s’agissait d’un rendez-vous galant, je n’aurais pas l’impudence de vous demander des comptes, mais il y a ceci ! dit sèchement l’officier en caressant le menton de la jeune fille avec les papiers saisis par Titus.
Flora rejeta la tête en arrière et rugit :
– Je n’ai jamais vu ces papiers… J’ignore de quoi vous parlez… Laissez-moi !
Fontsalte se tourna vers le batelier :
– Alors, ces papiers
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