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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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ou qui passent pour y réussir, et à qui, pour les encourager davantage, on donne le nom envié d’hommes à bonnes fortunes , avouent qu’ils aiment mieux qu’on les croie favorisés sans l’être, que de l’être sans qu’on le croie. En France, ces messieurs font un corps considérable par leur nombre : tout homme bien fait est censé en être. »
     
    Blaise s’endormit en méditant sur le prix des choses et des amours, vécues, espérées ou… imaginaires !
     

    Le 20 mai, vers une heure du matin, quand le général Bonaparte se mit en selle pour le Grand-Saint-Bernard, les chanoines eurent le sentiment que ce petit homme frileux, au teint jaune, au regard sombre et pénétrant, qui allait, enveloppé dans un grand manteau gris, coiffé d’un chapeau à corne sans plumet, et dont la frugalité monacale tranchait sur la gloutonnerie de la plupart des soldats, ferait rendre justice aux Valaisans en punissant Xaintrailles et ses semblables comme ils le méritaient.
     
    Contraint de renoncer à sa lourde berline, le Premier consul l’offrit au prévôt Luder 12 puis, accompagné de Bourrienne, son secrétaire, de Duroc et de plusieurs aides de camp, du prieur de Martigny, Laurent Murith, et de Henri Terrettaz, chanoine procureur de la communauté, il prit, dans la nuit froide et pluvieuse, le chemin de Saint-Pierre, bourg situé à mille six cents mètres d’altitude où devait l’attendre le général Murat, lieutenant du général en chef de l’armée de réserve et commandant de la cavalerie.
     
    Le Premier consul devait être près d’atteindre ce dernier bivouac de l’armée quand, vers midi, le maréchal des logis Trévotte se présenta devant la maison prévôtale de Martigny. Il conduisait Yorick, le cheval du capitaine, et la bête de charge, qui portait les bagages de l’officier. Titus, venu en deux étapes de Vevey – il avait dormi à Villeneuve – paraissait d’humeur plus que maussade. Comme toujours dans ces cas-là, le Bourguignon, d’ordinaire si prolixe, observait un silence renfrogné. Aussi ne répondit-il que par « oui » ou « non » aux questions du capitaine. Ce dernier apprit tout de même que Flora Baldini avait été libérée, comme prévu, mais ne tira aucun détail de son ordonnance.
     
    Quand Fontsalte, qui avait revêtu sa tenue de campagne, annonça qu’on se mettait en route tout de suite, de maussade, Trévotte devint hargneux. Il fit observer que les chevaux venaient de parcourir huit lieues et demie en sept heures, qu’il serait bon de les laisser reposer, que lui-même, debout depuis quatre heures du matin, devait reprendre des forces et qu’il n’y avait pas le feu au lac, comme disaient les Vaudois ! Il arrivait que Titus, entré sans formation dans l’armée révolutionnaire, se montrât insolent au nom de la liberté de langage, de l’égalité des droits et de la fraternité d’armes.
     
    Blaise de Fontsalte n’attachait pas grande importance à ces mouvements d’humeur mais ne manquait pas, pour autant, de rappeler le soldat, sinon au respect de l’officier, du moins à la conscience de ses devoirs immédiats.
     
    – Le feu n’est pas au lac mais il est dans le val d’Aoste, maréchal des logis ! Les nôtres ne se sont pas reposés, eux ! Ils ont chassé l’ennemi de Châtillon et progressent vivement, au long de la rivière Dora Baltea. À l’heure qu’il est, l’avant-garde est peut-être devant la forteresse de Bard, sous le feu des canons autrichiens. Le général Bonaparte a décidé d’aller coucher ce soir de l’autre côté du Grand-Saint-Bernard, à Étroubles. Alors, nos chevaux se reposeront à Saint-Pierre, qui n’est qu’à six lieues d’ici, et la nuit prochaine nous passerons le Saint-Bernard. Je te donne une heure pour panser et abreuver les bêtes et pour faire meilleure figure, dit sèchement Blaise.
     

    Ils se mirent en route à l’heure dite, le capitaine allant devant, Titus dans ses pas, tirant le cheval de charge qui renâclait au moindre obstacle. Au-delà de Martigny, on se heurtait bientôt aux redans rocheux précédant l’impressionnant rempart des montagnes. À la sortie de la ville, la route quittait la vallée du Rhône pour suivre celle de la Drance. La rivière, fille de torrent, roulait des eaux tumultueuses, giflait en écumant les écueils qui freinaient sa course et déchiraient son flot. Des ponts de bois, plus solides qu’ils ne paraissaient, enjambaient l’affluent

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