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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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trouvée dans un talus entre Liddes et Saint-Pierre 16 . Les paysans avaient déterré, transporté dans leur village et dressé près de l’église cette relique routière. Les chanoines du Grand-Saint-Bernard exhumaient souvent, autour de leur couvent, les restes de civilisations révolues attestant que le col était, depuis toujours, un lieu de passage fréquenté. Monnaies, ex-voto païens, médailles, instruments de sacrifice, certains antérieurs à la naissance du Christ, du temps où le Saint-Bernard s’appelait Mons Jou ou Mont Jovis, avaient été mis au jour et recueillis à l’hospice. La colonne, identifiée par un chanoine érudit, était restée à Saint-Pierre.
     
    Bien qu’une pluie fine et glacée se fût mise à tomber, Blaise voulut voir la colonne romaine. Elle était de celles qui, tous les mille pas, jalonnaient, de Milan à Mayence par les Alpes pennines, le parcours décrit dans l ’Itinéraire d’Antonin que Fontsalte avait étudié, dans la belle édition de Turin, à l’École royale militaire d’Effiat. À la lueur d’une lanterne brandie par Trévotte, Blaise déchiffra, gravés dans la pierre antique, une date, 338, le nom de Constantin le Jeune, « pieux, heureux, invincible, fils du divin Auguste », et l’indication XXIV mille 17 .
     
    – Sans doute la distance qui sépare ce village de Martigny, où l’on a trouvé une autre colonne portant le chiffre I marquant à la fois le départ de l’étape vers le mont Jovis et le site d’Octodurum, détruit par une inondation. Pensez, maréchal des logis, que cette borne a été taillée dans le granit il y a près de mille cinq cents ans ! observa Fontsalte, exalté par cette constatation.
     
    – Le gars qui a fait ça doit pas avoir mal aux dents à c’t’heure ! commenta Trévotte, indifférent, qui ne pensait qu’à dormir.
     
    En retournant à l’auberge toute proche, ils rencontrèrent des muletiers, qui descendaient de l’hospice où ils avaient accompagné des officiers de l’état-major de Marmont. Blaise les interpella :
     
    – L’un d’entre vous sera-t-il d’attaque pour nous conduire jusqu’au col au petit matin ?
     
    Les Valaisans, qui ne s’engagent jamais à la légère et prennent le temps d’évaluer les avantages et inconvénients de toute entreprise, se concertèrent d’abord du regard, puis se mirent à parler entre eux dans un patois incompréhensible aux Français. Comme la réponse à la question de Blaise tardait à venir, Titus crut nécessaire de lancer avec un peu d’impatience :
     
    – Le capitaine paye bien !
     
    Les montagnards n’en continuèrent pas moins leur colloque et Fontsalte fit signe au maréchal des logis de ne pas insister.
     
    Désignant d’un geste le mont Vélan, invisible dans l’obscurité, l’un des hommes se résolut enfin à s’adresser à Fontsalte.
     
    – À un quart de lieue d’ici, en allant sur la cantine de Proz, le chemin est si fort gelé que la glace coupe les chaussures des soldats et blesse les pieds des mulets. Et puis une tourmente de neige s’annonçait quand nous sommes descendus. À l’heure qu’il est, il ne doit pas faire bon là-haut et toutes les traces doivent être effacées. Alors, si vous tenez à monter, départ d’ici à trois heures. C’est le moment du grand gel. Dès que le soleil chauffe, on risque les avalanches, car la neige fraîchement tombée glisse sur la neige gelée. Si vous n’êtes que deux, Paul, mon fils, vous montera. Mais à pied. Il vous faudra souvent mener vos chevaux à la bride. Et s’ils glissent, les laisser glisser. Il y en a déjà quelques-uns au fond de la ravine.
     
    Fontsalte savait comment les guides-muletiers appliquaient à leur profit l’antique droit d’échute qui accordait autrefois aux chanoines les biens transportés par ceux qui périssaient en montagne.
     
    – J’ai une troisième bête pour les bagages, précisa-t-il.
     
    – Eh bien, laissez-la donc à l’auberge avec vos affaires. D’autres l’ont fait. Les gens d’ici sont honnêtes. Vous retrouverez tout comme vous le laisserez.
     
    Avant que le capitaine ait eu le temps de répliquer, le muletier ajouta :
     
    » Il vous en coûtera cent batz pour monter à deux !
     
    Ce prix était double de celui habituellement pratiqué, mais on ne marchandait pas les services d’un guide patenté. Rendez-vous fut pris à trois heures devant l’église. Trévotte bougonna « Ça fera pas long à

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