Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
donnerais toutes les nuits milanaises pour revivre une seule nuit vaudoise, soupira Blaise, qui pensait à Charlotte.
     
    Ribeyre lui bourra affectueusement les côtes.
     
    – La Parisienne est, à toute autre femme, ce qu’est le champagne à l’eau. Toutes désaltèrent, mais elle seule peut griser !
     
    Peut-être fut-ce à cause du souvenir, encore si vivant, de Dorette la Veveysanne que Blaise de Fontsalte choisit de passer seul, dans son nouveau logement, sa première et courte nuit parisienne. La soirée au Frascati, qui était aussi cercle de jeu, ne fut cependant pas sans bénéfice pour l’officier. Il empocha, en une heure, presque autant de pièces d’or que les préfets se préparaient à en enterrer sous les futures colonnes départementales ! Le lendemain, il acheta un beau papier à écrire, des plumes, de l’encre, de la poudre à sécher parfumée et expédia une missive à Dorette, aux bons soins de l’épicière de La Tour-de-Peilz.
     

    Au matin du 14 juillet, à l’heure dite et en grand uniforme, il se trouva néanmoins à sa place, au côté d’Eugène de Beauharnais, commandant des chasseurs à cheval de la Garde des consuls, pour assister à la pose de la première pierre, place Vendôme, ancienne place des Piques jusqu’en 1799, d’une colonne à la gloire des armées de la République. Dès le 20 juin, le Premier consul avait fait rentrer à Paris une partie de la Garde des consuls, qui rapportait les vingt-trois drapeaux pris aux Autrichiens. Ces trophées devaient être présentés aux consuls et offerts à la nation lors d’une cérémonie prévue au Champ-de-Mars.
     
    Il s’agissait, en effet, de réconcilier les Français, d’oublier la sinistre guillotine, de cesser de crier vengeance, et d’envisager le retour des émigrés de bonne volonté. Après la première cérémonie, un jeune officier s’approcha de Fontsalte et le salua. Blaise reconnut aussitôt Gilles de Montchal, qui avait combattu avec lui en Allemagne et qu’il avait revu en Égypte. Brillant polytechnicien, le jeune homme avait été affecté à la compagnie des aérostiers, créée le 2 avril 1794 par le comité des Montagnards, soutenu par Carnot. Ce corps, commandé par le physicien Coutelle, s’était illustré à Fleurus avec les troupes du général Jourdan. Montchal avait aussi fait partie des officiers aérostiers chargés d’étudier le projet de descente en Angleterre, avec des équipages de deux cents hommes, transportés sur les nouveaux vaisseaux aériens perfectionnés par les savants Monge et Berthollet. Ce projet ayant été abandonné, comme l’expédition en Angleterre, Montchal avait embarqué sur l ’Orient , qui transportait Bonaparte en Égypte, avec la compagnie d’aérostiers du capitaine Lhomond et tout un matériel nécessaire au gonflement et à l’entretien des ballons. Ces derniers, peints en tricolore, n’avaient servi qu’à l’animation de quelques fêtes patriotiques et à la distribution, par voie aérienne, de libelles édifiants.
     
    L’efficacité militaire de cette arme, dite savante, n’ayant pas convaincu les généraux, le Directoire avait licencié les compagnies d’aérostiers le 17 février 1799. Le lieutenant Montchal, remis à terre et versé dans la compagnie d’élite du train d’artillerie, fondée le 3 janvier 1800, se serait vite ennuyé s’il n’avait été affecté au groupe des aides de camp de Pierre-Claude-François Daunou, membre du Tribunat, président de la commission chargée du « prélèvement » des œuvres d’art chez les vaincus. À ce titre, Montchal s’était, lui aussi, rendu en Italie.
     
    Blaise admira l’uniforme de son camarade : habit-veste gris de fer, collet, revers, parements et retroussis bleus, grenades des retroussis gris de fer comme les pattes d’épaule, passepoilées de bleu. La culotte hongroise bleue, ornée de tresses plates écarlates, mettait le galbe de la jambe en valeur, comme les bottes à la hussarde, faites de cuir souple avec galon et glands. Quant au chapeau bicorne, à ganse blanche, surmonté du plumet écarlate des compagnies d’élite, il ajoutait à la taille assez moyenne de Gilles de quoi le faire paraître grand. Cette tenue était la préférée du Premier consul, qui n’oubliait jamais qu’il avait été lieutenant d’artillerie.
     
    – On pose beaucoup de premières pierres, en cette saison, ne trouves-tu pas ? dit Fontsalte.
     
    Le lieutenant

Weitere Kostenlose Bücher