Hergé écrivain
Ha DD o CK – que
se manifeste l’être d’Archibald, à la fois proche de François de HADO que (la réduplication « dupontienne »
du D désignerait oniriquement la répétition et l’émulation) et de son pire ennemi, Ra CK ham le Rouge.
Tout le personnage dans son nom : Hergé mérite d’être
pris et lu à la lettre.
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1 Cité d’après l’édition Folio.
2 Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture , Seuil, Points, 1972,
p. 58. C’est moi qui souligne.
3 Rappelons à cet égard qu’Abdallah, dont le rôle clé dans
l’ensemble de l’œuvre sera étudié plus loin, échange symptomatiquement le nom du capitaine avec le « mille sabords » qui pimente ses
répliques. Le saccage orthographique (Hergé place dans la bouche
d’Abdallah un savoureux « Milsabor ») se rattache évidemment aux
autres variations sur le nom de Haddock qui seront étudiées à la fin de
ce chapitre.
4 Entretiens avec Hergé , Paris-Tournai, Casterman, 1975, p. 78.
5 C’est l’opinion d’Hergé lui-même, que cite et commente Pierre
Fresnault-Deruelle dans son article, « Le verbal dans les bandes
dessinées », in Communications , n˚ 15, 1970, p. 150-151.
6 C’est l’avis, entre autres, d’Alain Rey dans son livre Les Spectres de
la bande , op. cit. , p. 167.
7 La double barre oblique signale les endroits où un mot ou une
phrase se trouvent scindés par l’intrusion du dessin dans le ballon.
8 « Le personnage est représenté, pris en charge et désigné […] par
un signifiant discontinu, un ensemble dispersé de marques que l’on
pourrait appeler son étiquette » : Philippe Hamon, « Statut sémiologique du personnage », in R. Barthes et al. , Poétique du récit , Seuil,
Points, 1976, p. 142.
9 Sainte Barbe étant la protectrice des mineurs et artilleurs, l’on en
est venu à appeler ainsi l’un des endroits où cette protection doit
s’exercer.
10 D’après Émile Benveniste, cette désémantisation est un des
facteurs euphémisants qui sont toujours à l’œuvre dans la pratique
blasphémisante qu’est le juron, voir « La blasphémie et l’euphémie »,
in Problèmes de linguistique générale 2 , Paris, Gallimard, 1974.
11 Cf. les définitions avancées par Bernard Dupriez dans le Gradus ,
UGE, 10/18, 1981, p. 22.
Chapitre 3
Les affiches de Tournesol
1. Les mots dans l’image
Un simple tonneau de poudre nous l’a enseigné : la
vignette ou, plus exactement, les objets dessinés dans cette
image peuvent être le support d’une inscription. Or, avant
d’analyser le profit qu’en tire Hergé, il est indispensable
de définir les traits spécifiques, en bande dessinée, de la
représentation de l’écrit.
À la différence des narrations visuelles qui, tel le
roman-photo, sont asservies au référent enregistré à partir
duquel elles produisent leurs fictions, la bande dessinée
semble promise, au niveau du traitement de l’écriture, à
toutes les libertés souhaitables. L’écrit, en effet, a tout
loisir d’être, au choix, inséré ou omis, lisible ou indéchiffrable, montré en partie ou complètement et dans tous ses
détails. Or, comme le formule Jean Ricardou : « Si tout
est permis, rien n’est possible 1 », et à cette règle Hergé ne
peut faire exception. Sa liberté est donc relative et en pratique deux types de facteurs, au moins, la circonscrivent.
Le premier tient aux incontestables prétentions réalistes de l’œuvre. Dans une telle perspective, il importe
d’abord que l’écrit soit présent : son absence signifierait
un manque de réalisme et il n’est pas étonnant de constater qu’au fur et à mesure que le style d’Hergé devient
plus vériste, le nombre d’éléments écrits à l’intérieur des
vignettes augmente de façon spectaculaire 2 . Il importe
ensuite que cette insertion se fasse de manière réaliste ,
c’est-à-dire sans dissonance stylistique avec le vérisme du
contexte. Il suffit à cet égard de suivre un peu l’évolution
des journaux ou des télégrammes, par exemple, pour
s’apercevoir que le travail d’Hergé va nettement dans ce
sens-là. D’un côté, les plages vierges du début, où l’écrit
doit être imaginé par le lecteur, disparaissent peu à peu.
De l’autre, le dessin se fait de plus en plus photographique. En comparant la manière dont Hergé dessine les
journaux lus par les personnages des albums, le chemin
parcouru, qui mène de la blancheur
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