Herge fils de Tintin
en février 1928, peu après le retour de Georges du
service militaire. Née le 7 mai 1906, elle a un an de plus
que lui. Le jeune homme la frappe par son élégance, mais
il lui paraît trop immature pour qu’elle s’intéresse à lui.
Les premiers temps, elle s’obstine à l’appeler « mon jeune
ami » et à le vouvoyer, ce qui ne manque pas de l’agacer.
Un dimanche de 1928, elle accepte tout de même de
partir faire une promenade en barque avec lui, en compagnie du secrétaire de rédaction Julien De Proft et de sa
collègue, Mlle Van Baer. Une autre fois, à nouveau avec
De Proft, ils passent ensemble un après-midi sur l’Escaut.
Et, pendant l’été, Georges vient rendre visite à Germaine
sur la plage où elle passe ses vacances. Mais leurs relations
restent assez distantes. Il faut dire que, peu de temps
auparavant, la jeune fille a connu une grande déception
amoureuse ; elle ne se sent pas prête à se lancer dans une
nouvelle histoire. Hergé, lui, est bien décidé à patienter.
Pour l’heure, le travail est considérable au Vingtième
Siècle , et beaucoup de choses reposent sur lui. Il travaillede tout son cœur et de toutes ses forces, parfois sept jours
sur sept. Il y a toujours une illustration à ajouter ou à rectifier au moment du bouclage. Souvent, le dessinateur
saute le déjeuner et reste tard dans les locaux du journal.
Avant de partir, il ne manque pas de venir saluer l’abbé.
C’est le moment idéal pour discuter avec lui. Discuter est
un grand mot, car c’est surtout Wallez qui lui expose ses
vues. Mais le jeune homme y trouve son compte : « C’est
la première personne qui m’a fait entrevoir ce que pouvait
être la vie intellectuelle. Il excellait pour placer une discussion à un niveau supérieur. Tout ce qu’il racontait devenait passionnant 6 . »
L’abbé est le premier de ces médiateurs qui vont permettre à Hergé de se construire. Excessif, fort en gueule,
non dénué d’humour, Wallez était moderne à sa façon. Ce
qu’il admirait chez Mussolini, c’était une forme d’énergie.
Loin des hiérarchies officielles avec lesquelles il eut toujours maille à partir, loin des catholiques coincés et collet
monté, Norbert Wallez ne demandait qu’à se lancer dans
une nouvelle croisade. Ses causes étaient douteuses, elles
n’étaient pas ennuyeuses. De cette « modernité » de
Wallez, la confiance qu’il accorda à Georges Remi et
bientôt la création d’un supplément pour la jeunesse sont
des preuves évidentes.
Malgré l’énergie de l’abbé, les ventes du journal restaient assez modestes. Aussi Wallez était-il en permanence
à la recherche de nouveaux projets, susceptibles d’attirer
davantage de lecteurs. Durant le dernier trimestre de
l’année 1928, il lança en quelques semaines une série de
suppléments et de publications parallèles : Le Sifflet , un
hebdomadaire satirique, Le Vingtième artistique et littéraire , supplément culturel du dimanche, Pour tous , hebdomadaire dominical proposant les dernières nouvelles.
Et bien sûr Le Petit Vingtième qui est annoncé en ces
termes à la une du Vingtième Siècle , le 31 octobre 1928 :
Notre supplément hebdomadaire destiné tout spécialement
à nos jeunes lecteurs paraîtra demain pour la première fois.
Il accompagnera désormais notre numéro du jeudi. Intéressant, vivant, éducatif et illustré avec beaucoup de goût, nous
sommes sûrs qu’il remplacera bientôt dans un grand nombre
de familles les publications dont on déplore à juste titre la
vulgarité.
Que chacun de nos amis s’ingénie à le faire rapidement
connaître.
En dépit de ces principes, force est d’admettre que les
débuts du Petit Vingtième n’ont rien de bien glorieux. À
ses débuts, le supplément pour la jeunesse est plutôt
moins professionnel que Le Boy-Scout belge . En parcourant aujourd’hui les numéros de 1928, on est frappé par
leur pauvreté. Pas d’illustration de couverture. Des gags
éculés, empruntés sans vergogne aux gazettes de l’époque.
Quelques vers de mirliton qui ne devaient guère donner
à la jeunesse belge l’envie « d’aimer les poètes et de leur
faire écho ». Des articles pesamment didactiques sur
« l’éclairage moderne et les yeux », « les engelures » et « le
melon ». Des considérations moralisantes : « Plus que les
richesses, cherchez et estimez la noblesse du cœur »,
« Observez les règles de l’hygiène pour vous et
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