Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
Vom Netzwerk:
accourt aussitôt. Le chauffeur explique. Mais Heydrich marmonne
quelque chose à la blonde. Il ne peut pas rester à l’avant, c’est trop bas pour
lui. Alors on l’aide à sortir, puis on l’installe à l’arrière, à plat ventre,
au milieu des caisses de cire et des boîtes de cirage. Heydrich demande qu’on
lui donne sa serviette. On la jette à côté de lui. La Tatra se remet en route.
Heydrich se tient toujours le dos d’une main, et se cache le visage de l’autre.
    Pendant ce temps, Gabčík
court toujours. La cravate au vent, les cheveux décoiffés, on dirait Cary Grant
dans La Mort aux trousses ou Belmondo dans L’Homme de Rio . Mais
évidemment, Gabčík, même très bien entraîné, n’a pas l’endurance
surnaturelle que l’acteur français affichera dans son rôle extravagant.
Gabčík, contrairement à Belmondo, ne peut pas courir indéfiniment. Il est
parvenu, en slalomant dans le quartier résidentiel alentour, à prendre un peu
d’avance sur son poursuivant, sans toutefois le semer. Mais chaque fois qu’il
tourne à l’angle d’une rue, il possède quelques secondes durant lesquelles il
disparaît de son champ de vision. Il doit en tirer profit. À bout de souffle,
il avise un magasin ouvert et se jette dedans, exactement dans ce laps de temps
où Klein ne peut l’apercevoir. Malheureusement pour lui, il n’a pas pu lire le
nom de l’établissement : boucherie Brauner. Lorsque haletant il demande au
commerçant de l’aider à se cacher, celui-ci se précipite dehors, aperçoit Klein
qui déboule et, sans dire un mot, lui montre sa boutique du doigt. Non
seulement ce Brauner est un Tchèque allemand, mais il a de surcroît un frère
dans la Gestapo. Très mauvaise pioche, donc, pour Gabčík qui se retrouve acculé
dans l’arrière-boutique d’une boucherie nazie. Mais Klein, durant la poursuite,
a eu tout le temps de noter que le fugitif est armé. Il n’entre pas, s’abrite
derrière un petit poteau de jardin et se met à tirer comme un fou à
l’intérieur. Depuis qu’il attendait derrière son poteau télégraphique
qu’Heydrich arrête de lui tirer dessus, la situation de Gabčík n’a donc
pas tellement progressé. Cependant, soit qu’il se souvienne de ses qualités de
tireur, soit qu’un simple SS de deux mètres l’impressionne moins que le
bourreau de Prague en personne, il se sent nettement plus réactif. Il se
découvre une seconde, distingue un bout de silhouette qui dépasse, ajuste,
tire, et Klein s’écroule, touché à la jambe. Sans plus attendre, Gabčík
jaillit, passe devant l’Allemand à terre, se jette dans la rue, et se remet à
courir. Mais dans le dédale des ruelles pavillonnaires, il est perdu. Arrivé au
carrefour suivant, il se fige. Au bout de la rue qu’il s’apprêtait à remonter,
il distingue la naissance du virage. Dans sa fuite éperdue, il a tourné en
rond, et il est en train de revenir à son point de départ. On dirait un
cauchemar de Kafka en accéléré. Il s’engouffre dans l’autre rue du croisement,
qui descend, elle, et se précipite vers la rivière. Et moi qui boite dans les
rues de Prague et qui remonte Na Poříčí en traînant la jambe, je le
regarde courir au loin.
    La Tatra arrive à l’hôpital.
Heydrich est jaune, il tient à peine sur ses jambes. On le porte immédiatement
dans la salle d’opération et on lui enlève sa veste. Torse nu, il toise
l’infirmière qui s’enfuit sans demander son reste. Il reste seul, assis sur la
table d’opération. Je donnerais cher pour savoir combien de temps exactement
dure cette petite solitude. Survient un homme en imper noir. Il voit Heydrich,
ouvre de grands yeux ronds, jette un coup d’œil circulaire à la pièce et repart
aussitôt téléphoner : « Non, ce n’est pas une fausse alerte !
Envoyez-moi un escadron de SS immédiatement. Oui, Heydrich ! Je
répète : le Reichprotektor est là et il est blessé. Non, je ne sais pas. Schnell !  »
Puis un premier médecin, tchèque, lui succède. Il est blanc comme un linge mais
commence aussitôt à examiner la blessure, avec une pince et des tampons. Elle
fait huit centimètres de long, et contient quantité d’éclats et de petites
saletés. Heydrich ne bronche pas pendant que la pince fouille la plaie. Un
second médecin, allemand, fait irruption dans la pièce. Il demande ce qui se
passe, et aperçoit Heydrich. Aussitôt il claque des talons et crie : « Heil ! » On reprend l’examen de la

Weitere Kostenlose Bücher