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maintenant, l’Allemagne rendra bombe pour bombe. »
La Seconde Guerre mondiale
vient de commencer.
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C’est en Pologne qu’Heydrich
inaugure sa plus diabolique création : les Einsatzgruppen . Des
troupes de SS spéciales, constituées de membres du SD ou de la Gestapo,
chargées de nettoyer les zones occupées par la Wehrmacht. Chaque unité reçoit
un petit livret dans lequel, en minuscules caractères, sur du papier extra-fin,
sont consignées toutes les informations nécessaires. À savoir : la liste
de toutes les personnes à liquider au fur et à mesure de l’occupation du pays.
C’est-à-dire, communistes, évidemment, mais aussi enseignants, écrivains,
journalistes, prêtres, industriels, banquiers, fonctionnaires, commerçants,
paysans enrichis, notables en tout genre… Des milliers de noms sont mentionnés,
avec leur adresse et leur téléphone, ainsi que la liste de leur entourage, au
cas où les éléments subversifs se seraient réfugiés chez des parents ou des
amis. Chaque nom est accompagné d’une description physique, et parfois même
d’une photo. Les services de renseignement d’Heydrich ont déjà atteint un
niveau d’efficacité impressionnant.
Cependant, cette méticulosité
est sans doute quelque peu superflue, eu égard au comportement des unités sur
le terrain, qui se distinguent immédiatement par leur propension à ne pas faire
dans le détail. Parmi les premières victimes civiles de la campagne polonaise,
un groupe de scouts âgés de 12 à 16 ans : alignés contre un mur, sur
la place du marché, ils sont fusillés. Le prêtre qui s’est dévoué pour leur
administrer les derniers sacrements : aligné avec, et fusillé aussi. C’est
seulement après que les Einsatzgruppen s’occupent de leurs objectifs : les
marchands et les notables locaux, alignés à leur tour, fusillés. À partir de
là, le travail des Einsatzgruppen, dont le compte rendu détaillé nécessiterait
des milliers de pages, pourra se résumer par trois lettres terribles : etc .
Jusqu’en URSS, où là-bas, même l’infinie ouverture du et caetera ne
suffira plus.
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C’est incroyable à quel point,
concernant la politique du III e Reich, et spécialement dans ce
qu’elle a de plus terrifiant, on retrouve toujours Heydrich au centre de tout.
Le 21 septembre 1939, il
transmet aux services concernés une circulaire signée de sa main, relative au
« problème juif dans les territoires occupés ». Cette circulaire
décide du regroupement des Juifs dans des ghettos, et ordonne la création de
conseils juifs, les Judenrat de sinistre mémoire, directement soumis à
l’autorité du RSHA. Le Judenräte , sans aucun doute, s’inspire des idées
d’Eichmann telles qu’Heydrich les a vu appliquées en Autriche : la clé
consiste à faire collaborer les victimes à leur propre destin. Spoliation hier,
destruction demain.
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Le 22 septembre 1939,
Himmler officialise la création du RSHA.
Le RSHA, Office central de
sécurité du Reich (Reichssicherheitshauptamt) , fusionne le SD, la
Gestapo, et la Kripo (la police criminelle). Les attributions de cette
monstrueuse organisation dépassent en puissance tout ce qu’on peut imaginer. A
sa tête, Himmler nomme Heydrich. Service d’espionnage, police politique, police
criminelle, placés entre les mains d’un seul homme. Autant le nommer
directement « homme le plus dangereux du III e Reich ».
C’est d’ailleurs devenu très vite son nouveau surnom. Une seule police lui
échappe, l’ Ordnungpolizei , la police en uniforme chargée du maintien de
l’ordre, confiée à ce nul de Dalüge, responsable directement devant Himmler.
Une broutille comparée au reste, qu’Heydrich, dans sa soif de pouvoir, n’est
pas du genre à ne pas prendre au sérieux, mais une broutille quand même, selon
moi, qui n’ai pas, il est vrai, les aptitudes ni l’expérience d’Heydrich pour
en juger. En tout cas, l’hydre qu’est le RSHA a suffisamment de têtes pour
l’occuper. Il est d’ailleurs obligé de déléguer. Il attribue chacune des sept
divisions du RSHA à des collaborateurs qu’il sélectionne avant tout, c’est
assez rare pour le signaler dans cet asile de fous qu’est l’appareil nazi, en
fonction de leurs compétences, et non d’après des critères politiques. Par
exemple, Heinrich Müller, à qui il confie la Gestapo, et qui s’identifiera si
bien à elle qu’on ne l’appellera bientôt plus que « Gestapo
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