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HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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quelque
peu bâclé.
    Cette liste se révèle assez
fantaisiste, l’enlèvement du duc échouera, la Luftwaffe va perdre la bataille
d’Angleterre et l’opération « Otarie » ne sera jamais déclenchée.
Quelques pierres dépareillées dans le jardin de l’efficacité allemande, donc.
99
    Je ne suis déjà pas toujours
bien certain de la véracité des anecdotes que je collecte sur Heydrich mais
pour celle-là, c’est pire : le témoin et protagoniste de la scène que je
me propose de rapporter n’est pas sûr lui-même de ce qui lui est arrivé.
Schellenberg est le bras droit d’Heydrich au SD. C’est un bureaucrate féroce et
sans scrupules, mais c’est aussi un brillant jeune homme, cultivé, élégant,
qu’Heydrich invite parfois, outre leurs virées au bordel, à sortir avec Lina,
au théâtre, à l’Opéra. Le jeune homme est donc presque un intime du couple. Un
jour qu’Heydrich a dû se rendre à une réunion lointaine, Lina appelle
Schellenberg pour lui proposer une balade bucolique autour d’un lac. Les deux
jeunes gens prennent un café, parlent de littérature, de musique. Je n’en
saurai pas plus. Quatre jours plus tard, Heydrich, après le travail, embarque
Schellenberg et « Gestapo » Müller pour une tournée des boîtes. La
soirée commence dans un restaurant chic de l’Alexanderplatz. C’est Müller qui
sert les apéritifs. L’ambiance est détendue, tout a l’air normal, jusqu’à ce
que Müller dise à Schellenberg : « Alors, il paraît que vous avez
pris du bon temps, l’autre jour ? » Schellenberg comprend
immédiatement. Heydrich, le teint blême, ne dit rien. « Souhaitez-vous
être informé du déroulement de l’excursion ? » lui demande
Schellenberg en adoptant un ton administratif presque malgré lui. Et soudain la
soirée bascule. Heydrich répond d’une voix sifflante : « Vous venez
de boire du poison. Il peut vous tuer dans les six heures. Si vous me dites la
vérité complète et absolue, je vous donnerai l’antidote. Mais je veux la
vérité. » Le rythme cardiaque de Schellenberg s’accélère. Il commence à
résumer l’après-midi en essayant de contenir les tremblements de sa voix.
Müller l’interrompt : « Après le café, vous êtes allé faire une
promenade à pied avec la femme du chef. Pourquoi le cachez-vous ? Vous
comprenez bien que vous étiez sous surveillance, n’est-ce pas ? » Oui
mais si Heydrich savait déjà tout, alors à quoi rimerait ce cinéma ?
Schellenberg avoue une promenade d’un quart d’heure et rend compte des sujets
de conversation qui ont été abordés. Heydrich reste songeur pendant de longues
minutes. Puis il rend son verdict : « Allons, je suppose que je dois
vous croire. Mais donnez-moi votre parole d’honneur que plus jamais vous ne
recommencerez ce genre d’escapade. » Schellenberg, sentant que le plus
gros danger est passé, parvient à dominer sa peur et répond d’un ton agressif
qu’il donnera sa parole après avoir bu l’antidote car un serment extorqué dans
ces conditions n’aurait aucune valeur. Il se risque même à demander :
« Comme ancien officier de la marine, estimeriez-vous honorable de
procéder autrement ? » Quand on sait comment s’est terminée la
carrière d’Heydrich dans la marine, on peut reconnaître un certain culot à son
interlocuteur. Heydrich fixe Schellenberg. Puis il lui verse un martini dry.
« Etait-ce un effet de mon imagination, écrit Schellenberg dans ses
Mémoires, mais il me parut plus amer que de raison. » Il boit, présente
ses excuses, donne sa parole d’honneur, et la soirée reprend son cours.
100
    À force de fréquenter les
bordels, Heydrich a une idée géniale : ouvrir le sien.
    Ses plus proches
collaborateurs, Schellenberg, Nebe, Naujocks, sont mobilisés pour mener à bien
cette entreprise. Schellenberg trouve une maison dans un quartier chic des
faubourgs de Berlin. Nebe, qui a travaillé des années à la mondaine, recrute
les filles. Et Naujocks s’occupe de l’aménagement des locaux : chaque chambre
est truffée de micros et de caméras. Il y en a derrière les tableaux, dans les
lampes, sous les fauteuils, sur les armoires. Un centre d’écoute est installé à
la cave.
    L’idée est géniale de
simplicité : au lieu d’aller espionner les gens chez eux, on les fait
venir. Il s’agit donc de monter un bordel de grand standing, pour attirer une
clientèle prestigieuse de personnalités éminentes.
    Quand

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