Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
Vom Netzwerk:
euphémistique
métonymie, « à l’Est », dont l’auditoire ignore encore qu’elle
signifie : en Pologne, à Auschwitz.
120
    Le 3 octobre à Londres, la
presse libre tchécoslovaque prend acte du changement politique à Prague avec ce
titre :
    « Meurtres de masse dans
le Protectorat »
121
    Un homme d’Heydrich a officié
sur place il y a deux ans déjà : Eichmann, après avoir si bien travaillé
en Autriche, s’est vu confier la direction du Bureau central pour l’émigration
juive de Prague, en 1939, avant de se voir promu responsable des affaires
juives au siège du RSHA à Berlin. Aujourd’hui, il revient à Prague, rappelé par
son maître. Mais en deux ans, les choses ont bien changé. Désormais, lorsque
Heydrich organise une conférence, c’est pour discuter de « la Solution
finale de la question juive » dans le Protectorat, et non plus
d’« émigration ». Les données sont les suivantes : 88 000
Juifs vivent dans le Protectorat, dont 48 000 dans la capitale,
10 000 à Brno, 10 000 à Ostrava. Heydrich décide que Terezín fera un
camp de transit idéal. Eichmann prend des notes. Les transports seront rapides,
deux ou trois trains par jour, à raison de mille personnes par train. Selon une
méthode éprouvée, chaque Juif sera autorisé à prendre avec lui un bagage sans
cadenas contenant jusqu’à 50 kg d’affaires personnelles et, afin de
simplifier la tâche des Allemands, de la nourriture pour deux à quatre
semaines.
122
    Par la radio et par les
journaux, les nouvelles du Protectorat parviennent jusqu’à Londres. Le sergent
Jan Kubiš écoute ce que lui rapporte un ami parachutiste de la situation au
pays. Meurtres, meurtres, meurtres. Quoi d’autre ? Depuis qu’Heydrich est
arrivé, chaque jour est un jour de deuil. On pend, on torture, on déporte.
Quels détails monstrueux sont parvenus à plonger Kubiš dans cette stupeur,
aujourd’hui ? Comme une mécanique enrayée, il secoue la tête en
répétant : « Comment est-ce possible ? Comment est-ce
possible ?…. »
123
    Je suis allé à Terezín, une
fois. Je voulais voir cet endroit parce que c’est là que Robert Desnos est
mort. Revenu d’Auschwitz, passé par Buchenwald, Flossenburg, Flöha, il a
échoué, le 8 mai 1945, à Terezín libéré, au terme d’épuisantes marches de
la mort durant lesquelles il aura contracté le typhus qui allait l’emporter. Il
est mort le 8 juin 1945, mort comme il a vécu, libre, dans les bras d’un
jeune infirmier et d’une jeune infirmière tchèques qui aimaient le surréalisme
et admiraient son œuvre. Encore une histoire dont je voudrais faire tout un
livre : les deux jeunes gens s’appelaient Josef et Alena…
    Terezín, Theresienstadt en
allemand, était « une ville fortifiée construite par l’impératrice
d’Autriche pour défendre le quadrilatère bohémien des convoitises du roi de
Prusse Fréderic II ». Quelle impératrice ? Je ne sais pas,
j’emprunte la phrase, parce qu’elle me plaît, à Pierre Volmer, compagnon de
Desnos et témoin de ses derniers jours. Marie-Thérèse ? Bien sûr :
Theresienstadt, la ville de Thérèse.
    En novembre 1941, Heydrich
fait transformer la ville en ghetto, et la caserne en camp de concentration.
    Mais ce n’est pas, loin de là,
tout ce qu’il faut dire sur Terezín.
    Terezín n’était pas un ghetto
comme les autres.
    Le camp servait de camp de transit,
c’est entendu : les Juifs regroupés là attendaient d’être déportés vers
l’Est, en Pologne ou dans les pays baltes. Le premier convoi est parti pour
Riga le 9 janvier 1942 : mille personnes, dont cent cinq survivront.
Le deuxième, une semaine plus tard, pour Riga lui aussi, mille personnes, seize
survivants. Le troisième, en mars, mille personnes, sept survivants. Le
quatrième, mille personnes, trois survivants. Rien de notable, somme toute,
dans cette gradation effrayante vers les 100 %, marque terrible de la très
renommée efficacité allemande.
    Mais pendant que les
déportations continuent, le ghetto de Terezín doit servir de Propagandalager ,
c’est-à-dire de ghetto-vitrine pour les observateurs étrangers. Les habitants
du ghetto devront faire bonne figure lors des visites des observateurs du CICR
(le Comité international de la Croix-Rouge).
    À Wannsee, Heydrich déclare que
les Juifs allemands décorés lors de la Première Guerre, les Juifs allemands de
plus de 65 ans, et certains Juifs célèbres, les Prominenten ,

Weitere Kostenlose Bücher