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HHhH

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Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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responsabilités dans l’organisation de la Solution finale, Heydrich
ne néglige pas non plus les affaires intérieures du Protectorat. Ce mois de
janvier 1942, il trouve le temps de décider un remaniement ministériel au
sein du gouvernement tchèque, suspendu de fait depuis sa fracassante arrivée à
Prague en septembre. La veille même de la conférence de Wannsee, soit le 19, il
nomme un nouveau Premier ministre, mais cela n’a aucune espèce de signification
puisque le poste ne conserve aucune réalité fonctionnelle. Les deux postes clés
de ce gouvernement fantoche sont le ministère de l’Economie, confié à un
Allemand dont il n’est pas utile dans cette histoire de connaître le nom, et le
ministère de l’Education, attribué à Emanuel Moravec. En nommant un Allemand
comme ministre de l’Economie, Heydrich impose l’allemand comme langue de
travail au sein de l’équipe gouvernementale. En nommant Moravec à la tête de
l’Education, il s’assure les services d’un homme dont il a su reconnaître les
formidables prédispositions à collaborer. Les deux ministères sont liés par un
même objectif : maintenir et développer une production industrielle qui
réponde aux besoins du Reich. Pour y parvenir, le rôle du ministre de
l’Economie consiste à soumettre toutes les entreprises tchèques à l’effort de
guerre allemand. Le rôle de Moravec consiste, quant à lui, à développer un
système éducatif ayant pour vocation unique la formation d’ouvriers. En
conséquence de quoi, les enfants tchèques ne recevront en guise d’enseignement
que le strict nécessaire à leur future profession, un savoir essentiellement
manuel, complété par un minimum de connaissances techniques.
    Le 4 février 1942,
Heydrich tient ce discours qui m’intéresse parce qu’il concerne l’honorable
corporation à laquelle j’appartiens :
    « Il est essentiel de
régler leur compte aux enseignants tchèques car le corps enseignant est un
vivier pour l’opposition. Il faut le détruire, et fermer les lycées tchèques.
Naturellement, la jeunesse tchèque devra alors être prise en charge en un lieu
où l’on pourra l’éduquer hors de l’école et l’arracher à cette atmosphère
subversive. Je ne vois pas de meilleur endroit pour cela qu’un terrain de
sport. Avec l’éducation physique et le sport, nous assurerons tout à la fois un
développement, une rééducation et une éducation. »
    Tout un programme : cette
fois, c’est le cas de le dire !
    Evidemment, la possibilité de
rouvrir les universités tchèques, frappées d’une interdiction de trois ans en
novembre 1939 pour cause d’agitation politique, n’est même pas envisagée.
Il revient à Moravec de trouver un motif pour prolonger la fermeture au-delà
des trois ans écoulés.
    Ce discours m’inspire trois
remarques :
     
    1. En Tchéquie comme
ailleurs, l’honneur de l’Education nationale n’est jamais aussi mal défendu que
par son ministre. Antinazi virulent à l’origine, Emanuel Moravec est devenu
après Munich le collabo le plus actif du gouvernement tchèque nommé par
Heydrich, et l’interlocuteur privilégié des Allemands, bien davantage qu’Emil
Hácha, le vieux président gâteux. Les livres d’histoire locale ont pris
l’habitude de le désigner sous le terme de « Quisling tchèque », du
nom de ce fameux collaborateur norvégien, Vidkun Quisling, dont le patronyme,
par antonomase, signifie désormais « collabo » dans la majorité des
langues européennes.
    2. L’honneur de
l’Education nationale est bel et bien défendu par les profs qui, quoi qu’on
puisse en penser par ailleurs, ont vocation à être des éléments subversifs, et
méritent qu’on leur rende hommage pour cela.
    3. Le sport, c’est quand
même une belle saloperie fasciste.
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    Nous touchons encore une fois
aux servitudes du genre. Aucun roman normal ne s’embarrasserait, sauf à viser
un effet très spécial, de trois personnages portant le même nom. Or, moi, je
dois faire avec le colonel Moravec, valeureux chef des services secrets
tchèques à Londres ; la famille Moravec au comportement héroïque dans la
Résistance intérieure ; Emanuel Moravec, l’infâme collabo ministre. Sans
compter le capitaine Václav Morávek, chef du réseau de résistance
« Tři králové ». Cette homonymie regrettable doit être une
pénible source de confusion pour le lecteur. Une fiction aurait tôt fait de
mettre de l’ordre

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