Hiéroglyphes
On
ne sait pas encore si nous pourrons le déchiffrer »,
intervint Astiza.
J’appuyai
lourdement :
« Ce
que je veux dire, c’est : qui va le garder ? Il va
bien falloir que quelqu’un s’en charge. Il semble que mes
séraphins soient indispensables, ainsi que mon expérience
de l’électricité. Et je ne suis ni pour les
Anglais ni pour les Français, je suis neutre. Vous devriez me
le confier.
— Vous
n’auriez pas trouvé cet endroit tout seul en cent ans,
lança Najac, venimeux. Alors, cette discussion… »
Je
le coupai, sec :
« Et
vous, vous ne trouveriez pas votre oreille droite, même si elle
était reliée à vos couilles par un cordon de
soie !
— Monsieur
Gage, s’impatienta Silano, à son tour, vous restez avec
moi ou vous rejoignez le rite égyptien de la franc-maçonnerie,
afin de partager ma gloire ?
— La
gloire d’un homme qui m’a envoyé la tête de
mon meilleur ami dans une jarre d’huile ? »
Plus
fort que moi, mais Silano n’avait pas bronché.
« Vous
pouvez aussi vous retirer dès maintenant, sans rien dans les
mains, rien dans les poches !
— Puis-je
savoir d’où vous vient votre titre de propriété ? »
Autant
jouer mon rôle jusqu’au bout. Silano jeta autour de lui
un coup d’œil amusé.
« Mon
Dieu ! j’ai à ma disposition les armes, le
personnel et la seule chance de trouver ce que nous cherchons… »
Sur
un simple signe, les hommes de Najac avaient braqué leurs
mousquets vers moi, mais j’étais surtout agacé de
voir mon propre rifle pointé dans ma direction par les sales
pattes couvertes de graisse de Najac.
« Je
ne vois vraiment pas ce que Benjamin Franklin appréciait chez
vous, Ethan. Il vous en faut, du temps, pour vous rendre à
l’évidence ! »
Je
désignai les nuages qui s’amoncelaient.
« Ça
ne marchera pas sans moi, Silano.
— Si
vous refusez de participer, on ne trouvera pas le livre et vous
n’aurez rien. Qui plus est, vous êtes encore plus curieux
que moi.
— La
belle affaire ! Je vous aide avec mes séraphins, et si ça
marche, vous gardez le livre ? Prenez-le donc et finissons-en !
— Cap’taine !
protesta Gros Ned, consterné.
— Mais
à la place, je vous demande Astiza !
— Ethan !
Je n’en suis pas propriétaire !
— Vous
nous laissez simplement partir tous les deux, sans obstacles et sans
controverses ! »
Il
se tourna vers elle dont le regard passait incessamment de l’un
à l’autre.
« Vous
nous aidez si je suis d’accord ? »
J’acquiesçai.
« Mais
c’est elle qui choisira, le moment venu. Pas moi, précisa-t-il.
— C’est
tout ce que je demande.
— Entendu. »
Il
souriait toujours, plus à l’aise qu’un castor dans
une crique canadienne.
« Achevons
nos préparatifs. »
Je
respirais à petits coups précipités. Pouvais-je
avoir confiance en Astiza ? Ce que nous avions décidé
ensemble, elle et moi, marcherait-il jusqu’au bout ? Je
jouais ce pari sur un poème latin. Les yeux de l’infâme
sorcier scintillaient de plaisir lorsqu’il cueillit les deux
séraphins, dans ma paume.
« Pour
les monter sur vos tiges métalliques, servez-vous des agrafes
qui les fixaient au bâton de Moïse. On va réaliser
une expérience digne de Franklin. »
J’avais
remarqué les deux trous ronds percés dans le sol du
plateau, et Silano me confirma qu’ils étaient cités
dans les documents des chevaliers du Temple. On y enfonça les
deux tiges. Sans les relier entre elles pour l’instant.
Je
me penchai vers le sol rocheux. Il était marqué de
rainures peu profondes dont l’ensemble formait une étoile
à six branches. Les trous dans le sol correspondaient à
deux pointes opposées.
« Il
faut raccorder les pôles. Avec des bouts de fil métallique
pour conduire l’électricité. Vous en avez sous la
main ? »
Non,
bien sûr. Autant pour les recherches de Silano ! Le jour
baissait, l’orage grondait dans les cumulus qui s’enflaient
là-haut. En bas, dans la vallée, tourbillonnaient des
nuées capricieuses.
« À
quoi bon deux tiges si elles sont indépendantes ? dis-je.
— Les
Templiers affirment que ça marche. Mes études sont
infaillibles. »
La
vanité de l’animal était sans limites. Je
réfléchis à ce qui pourrait remplacer les bouts
de fil de fer. Parce qu’il avait raison, Silano : ma
curiosité valait largement la sienne.
« Najac,
remuez-vous au lieu de faire la gueule ! Prenez
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