Hiéroglyphes
d’autres
sentinelles sur le qui-vive.
« Il
faut qu’on apprenne s’il y a quelque chose ou non dans ce
livre, et qu’on agisse en conséquence.
— La
consigne de Silano ? »
Elle
semblait déçue.
« Pourquoi
ne peux-tu pas croire que je t’aime ? Je t’ai suivi
jusqu’aux murs d’Acre et c’est un boulet de canon
qui nous a séparés, pas notre choix personnel.
Aujourd’hui, c’est le destin qui nous réunit de
nouveau. Garde pleine confiance.
— Tu
parles comme Napoléon. Essayons de tout calculer, et laissons
faire le destin. »
Le
quartier général du fort était une structure
d’un étage avec un toit de hangar et un porche recouvert
de palmes. Il faisait frais à l’intérieur. Je
découvris Silano, assis à une simple table de bois
blanc, en compagnie de deux officiers. Je connaissais le premier
depuis le débarquement français à Alexandrie. Le
général Jacques de Menou avait fait preuve d’une
grande bravoure, ce jour-là, et, d’après un
rapport ultérieur, s’était converti à
l’islam. La culture égyptienne le fascinait, mais il
n’avait pas spécialement l’allure militaire avec
sa moustache filiforme, son visage de comptable et son début
de calvitie. L’autre, un élégant capitaine,
m’était inconnu. De chaque côté de la
pièce, s’ouvraient des portes munies de serrures.
Silano
se leva ,
« Toujours
occupé à me fuir, monsieur Gage ! Et voilà
que nos chemins se croisent de nouveau. »
Il
esquissa une courbette ironique :
« Peut-être
sommes-nous destinés à devenir des amis ? Pas des
ennemis ?
— Je
m’en laisserai convaincre le jour où vos autres amis
cesseront de me prendre pour cible.
— Même
les meilleurs amis arrivent à se quereller. »
Il
leva la main.
« Le
général de Menou. Vous le connaissez ?
— Oui.
— Je
ne m’attendais pas à vous revoir, l’Américain !
dit Menou. Vous avez bien fâché ce pauvre Nicolas, en
lui volant son ballon.
— À
cause des coups de feu, général.
— Et
voilà le capitaine Pierre-François Bouchard. Il supervisait
la construction du fort quand ses hommes ont mis à jour une
pierre intéressante. Heureusement, le capitaine a tout de
suite mesuré son importance. La pierre de Rosette va peut-être
changer la face du monde.
— Une
pierre ?
— Venez,
je vais vous la montrer. »
À
l’aide d’une clef tirée de sa poche, Silano alla
ouvrir une des portes et nous introduisit dans la pièce
voisine.
Il y
régnait un clair-obscur ménagé par le rideau qui
voilait la fenêtre. Sur une table, reposait un cercueil orné
de motifs remarquablement conservés décrivant peut-être
le voyage d’une âme au pays des morts.
« Il
y a quelqu’un là-dedans ?
— Omar,
notre sentinelle, plaisanta Menou. Il est infatigable.
— Sentinelle ?
— C’est
moi qui l’ai transporté ici, expliqua complaisamment
Silano. Mais j’ai dit aux soldats qu’on l’avait
découvert sur le site même du fort, au moment de sa
construction. Les momies inspirent de la peur, et celle-ci est
désormais censée provenir de Rosette. Rien de mieux
pour interdire l’entrée de ce local ! »
Je
touchai le couvercle du cercueil.
« Étonnant
que les couleurs soient toujours aussi vives !
— Encore
de la magie ! On ne sait plus fabriquer les mêmes, de nos
jours. Comme s’est perdue la formule des vitraux au plomb de
toutes les cathédrales du Moyen Âge. »
Il
désigna les pots de peinture alignés dans un coin de la
pièce.
« Je
fais des essais. Omar me donnera bien un conseil, tôt ou tard !
— Vous
ne croyez pas aux malédictions.
— J’espère
être encore sur le pont pour les combattre. Avec ça ! »
Il
montrait quelque chose d’assez volumineux, un mètre
cinquante de haut pour moins d’un mètre de large, qui se
dressait, invisible sous un carré de toile goudronnée.
D’un geste dramatique, il rejeta la bâche. Je me penchai
dans la lumière chiche. Plusieurs écritures se
superposaient sur la partie supérieure du bloc rocheux. Je ne
suis pas linguiste, mais un groupe de mots me fit l’effet
d’être du grec ancien. Un autre ressemblait à des
caractères que j’avais vus, à diverses reprises,
dans les temples égyptiens. Je n’avais jamais rencontré
le troisième, mais le quatrième, tout en haut, me fit
battre le cœur. C’étaient les mêmes curieux
symboles figurant sur le rouleau que j’avais découvert
dans la Cité
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