Hiéroglyphes
d’Astiza ne lui coûterait
pas si cher. Et sa rapacité était la plus commune qui
soit. Tout le monde rêve de trésors cachés.
« Je
vais voir ce que je peux faire. »
J’avais
fini par l’accrocher.
« Il
y a autre chose dont j’ai besoin. Un bon rifle. »
*
* *
Bien
que le travail de sa forge lui apportât une certaine
prospérité, Jéricho vivait très
simplement. Parce qu’il était chrétien, sa maison
était mieux meublée qu’une demeure islamique. Les
mahométans se servent essentiellement de coussins qui peuvent
être, quand les femmes se retirent à l’arrivée
d’un visiteur mâle, aisément transportés
d’une pièce à l’autre. Une tradition
découlant de l’habitude des Bédouins de vivre
sous la tente. Nous autres chrétiens, au contraire, avons
coutume de garder nos têtes plus proches de la chaleur des
plafonds que de la fraîcheur des planchers, et nous bavardons
entre nous dans des attitudes plus formelles, assis droit sur de
vraies chaises. Plutôt que coussins et coffres islamiques,
Jéricho avait tables, sièges et armoires verticales. Le
tout dans un cadre d’une simplicité puritaine. Aucun
tapis sur les planchers de bois blanc, et pas d’autre
décoration sur les murs de plâtre qu’un crucifix
ou l’image d’un saint. Propreté impeccable comme
celle d’un couvent et tout aussi déconcertante.
Miriam,
la sœur, était une maîtresse de maison accomplie.
Pas un grain de poussière nulle part et, quant à la
nourriture, elle était abondante, mais très simple,
aussi : pain, vin, olives et légumes disponibles, selon
les saisons, sur les éventaires des marchés locaux.
De
temps à autre, elle ramenait également, à
l’intention de son grand frère musclé et toujours
affamé, un peu d’une viande rare et chère.
L’hiver approchait, mais ils ne disposaient d’aucun moyen
de chauffage, en dehors de la forge et de l’âtre à
charbon de bois où cuisaient les aliments. Pas de vitres, non
plus, aux fenêtres munies de stores intérieurs. Des sacs
de sciure bloquaient le plus gros du froid, ajoutant aux ténèbres
de l’automne. L’eau des cuvettes était glacée,
les vents pénétrants, les chandelles et le pétrole
des lampes trop précieux pour être gaspillés,
alors, on dormait et se réveillait au chant du coq. Pour un
Parisien exilé de ma sorte, la Palestine était un
monastère.
Première
connivence apparue entre Jéricho et moi-même, la
fabrication de mon nouveau fusil. Habile, peu bavard et dur au
travail, qualités que je me faisais un devoir d’imiter,
le forgeron avait gagné le respect de son entourage. Il se
lisait dans les yeux des hommes, musulmans, chrétiens et juifs
sans distinction de race qui venaient lui acheter des outils de
jardinage. J’avais craint de devoir lui exposer les
caractéristiques d’un bon fusil, mais il n’était
pas en retard sur ce chapitre.
À
la description que je lui fis de mon arme perdue, il s’exclama :
« Vous
voulez parler du Jaeger allemand, le fusil de chasse. J’ai
travaillé sur des pièces du même genre.
Montrez-moi dans le sable quelle longueur vous souhaitez. »
Je
lui dessinai, sommairement, un canon de cent cinq centimètres.
« Ça
ne va pas être un peu difficile à manier ?
— La
longueur du canon entraîne l’exactitude, donc le pouvoir
de tuer. Avec des cartouches de quarante-cinq, la vitesse de tir
permet d’utiliser des balles plus petites que celles d’un
mousquet, et je peux transporter plus de munitions pour un poids
donné de plomb et de poudre. Fer doux, rayures profondes,
crosse équilibrée pour amener le viseur en ligne tout
en m’abritant du recul. Le modèle que j’avais
groupait trois impacts à cinquante mètres. Il faut une
minute pour charger et armer, mais le premier tir fait mouche.
— Les
alésages lisses sont la règle, dans le secteur. Plus
rapides à charger et tirant n’importe quoi, même
des cailloux, faute de mieux. Avec ce fusil, il faudra des balles
précises.
— « Précision »
signifie « justesse ».
— En
combat de près, c’est la vitesse qui gagne. »
Il
avait gardé le préjugé des marins parmi lesquels
il avait servi, habitués aux empoignades rapprochées,
de bord à bord. Je protestai :
« Et
le bon tir empêche l’ennemi de venir trop près !
D’après moi, se battre avec un mousquet ordinaire
équivaut à aller au bordel les yeux bandés. On
peut atteindre son but, mais aussi le manquer d’un
Weitere Kostenlose Bücher