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Hiéroglyphes

Titel: Hiéroglyphes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Dietrich
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aussi
l’odeur de la nourriture française et le son de la
langue française. Alors que nous remontions les rangs des
soldats, certains me reconnaissaient, au passage, et n’en
revenaient pas. Ils m’avaient rencontré en tant que
savant parmi d’autres hommes de science. Je réapparaissais
en tant que prisonnier et vulgaire déserteur capturé
par Najac et sa bande.
    Bien
que découverte à présent sous l’angle des
assiégeants, Jaffa m’était familière. Ses
remparts étaient écornés par les boulets de
canon, et tous les tapis autrefois mis à sécher avaient
disparu. La plupart des orangers qui abritaient l’armée
napoléonienne portaient également les traces des tirs
qui les avaient plus ou moins décapités. On accumulait
des sacs de terre et de sable, en prévision du siège,
et les chevaux de la cavalerie française hennissaient
nerveusement, se bousculaient entre eux quand reprenait la canonnade.
Leurs queues battaient la mesure et leur crottin exhalait la douce
odeur habituelle.
    Najac
disparut dans la vaste tente de Napoléon, me laissant debout,
sans chapeau, sous le soleil de la Méditerranée. Crevé,
assoiffé, mais fataliste. Je me souvenais du jour où
j’étais tombé d’une falaise dans le
Saint-Laurent, cascadant cul par-dessus tête jusqu’à
m’y immerger, et ressentais la même appréhension
que j’avais éprouvée avant d’aplatir un
buisson et de rebondir dans l’eau du fleuve au lieu de me
fracasser sur la roche.
    Brusquement,
j’aperçus mon buisson sauveur et l’appelai :
    « Gaspard ! »
    C’était
bien Monge, le célèbre mathématicien français,
l’homme qui m’avait aidé à éclaircir
partiellement les mystères de la Grande Pyramide. Confident de
Napoléon depuis les triomphes du général en
Italie, il m’avait guidé dans ma quête, tel un
neveu légèrement débile, et voilà que je
le retrouvais en Palestine.
    « Gage ? »
    Encore
plus surpris que moi, Monge plissait les paupières dans son
costume civil usagé, avec des pièces rapportées
aux genoux, une veste en lambeaux et une barbe de plusieurs jours. Il
avait cinquante-deux ans, mais, sous l’empire de la fatigue, il
paraissait beaucoup plus âgé.
    « Qu’est-ce
que vous faites ici, mon vieux ? Je vous avais pourtant dit de
rentrer en Amérique.
    —  J’ai
essayé. Savez-vous ce qu’est devenue Astiza ?
    —  La
femme ? Mais elle est partie avec vous.
    —  C’est
vrai, mais nous avons été séparés.
    —  Conté
m’a dit que vous aviez pris un ballon. Il était furieux.
Tout le monde vous enviait, et je vous retrouve dans cet asile de
fous ! Seigneur Dieu ! je savais que vous n’étiez
pas un vrai savant, mais au point de revenir…
    —  Un
point sur lequel nous sommes parfaitement d’accord, docteur
Monge ! »
    Non
seulement il ne savait rien au sujet d’Astiza, mais il n’était
pas au courant, non plus, de notre entrée dans la pyramide, et
je décidai de ne rien lui dire. Si les Français
apprenaient qu’il y avait des choses de valeur là-bas,
ils seraient capables de faire sauter l’édifice. Autant
laisser le pharaon reposer en paix.
    « Astiza
est tombée dans le Nil et le ballon m’a finalement
laissé choir en Méditerranée. Est-ce que Nicolas
est là, lui aussi ? »
    L’idée
de retrouver Conté, l’astronaute de l’expédition,
que j’avais privé de son ballon d’observation,
m’effrayait un peu.
    « Heureusement
pour vous, il est reparti dans le sud, où il organise le
transport de notre artillerie. Il avait l’idée géniale
de faire construire des chariots à roues multiples pour
trimbaler nos canons à travers le désert, mais
Bonaparte n’avait pas le temps d’attendre des inventions
nouvelles ! On va courir le risque d’amener les canons par
mer… »
    Il
s’interrompit, conscient de divulguer un secret stratégique.
    « Mais
qu’est-ce que vous faites ici avec les mains liées ?
Sale, brûlé, sans amis ! Doux Jésus, que
vous est-il arrivé ?
    —  C’est
un espion anglais, lui répondit Najac en ressortant de la
tente. Et vous risquez d’être suspect, vous aussi,
monsieur le scientifique, rien que pour lui avoir parlé !
    —  Espion
anglais ? C’est ridicule. Gage est un dilettante, un
opportuniste, un touche-à-tout. Aucune personne sensée
ne le prendrait pour un espion.
    —  Vraiment ?
À part notre général ! »
    Là-dessus,
Bonaparte apparut en personne, le rabat de la tente flottant à
sa suite

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