Hiéroglyphes
ravins qui à la saison des
pluies se transformeraient en torrents, fleurissait le laurier-rose.
Najac, toujours aussi taciturne, multiplia les signaux à
l’aide d’un miroir, sans obtenir de réponse.
« Ce
maudit bon à rien nous a perdus ! lança Ned à
haute et intelligible voix.
— La
ferme, gros lard ! » riposta le Français.
Il
renouvela ses signaux.
Puis
une mince colonne de fumée monta vers le ciel.
« Voilà !
C’est bien le mont Nébo. La dernière demeure de
Moïse. »
On
éperonna nos montures et on entama la montée.
C’était
un soulagement de quitter la vallée du Jourdain et de
progresser dans un air moins chaud, moins étouffant. On se
rafraîchit et, progressivement, l’odeur des pins
supplanta toutes les autres. Des tentes bédouines occupaient
les corniches, et des Arabes drapés de noir gardaient de
petits troupeaux de chèvres. On suivit un sentier de caravane,
les sabots des chevaux marquant leurs empreintes dans la terre
amollie par les excréments des chameaux.
Il
nous fallut quatre heures pour atteindre la crête. Par-dessus
le cours du Jourdain, on découvrait à l’ouest la
Terre promise, couleur de miel et de lait, sous le soleil. La mer
Morte, vue d’en haut, était un grand miroir bleu. Je
n’apercevais nulle part aucune entrée de caverne
susceptible de renfermer un trésor, mais une vaste tente
occupait un creux garni d’une herbe verte indiquant la présence
d’une source. Les ruines d’un ancien édifice, une
église, sans doute, se dressaient non loin de là.
Quelques hommes nous attendaient autour d’un petit feu de camp,
origine du signal de fumée. Silano était-il parmi eux ?
Puis
je découvris la personne assise sur une pierre auprès
des ruines de l’église, à l’écart
des hommes, guidai mon cheval jusque-là et mis pied à
terre devant une femme vêtue de blanc qui avait guetté
notre approche.
Elle
se releva en m’apercevant. Je revis ces tresses noires
s’échappant de l’écharpe blanche qui la
protégeait du soleil. Les cheveux et l’étoffe se
soulevaient légèrement dans la brise soufflant à
travers la montagne. Elle était encore plus belle que je ne
m’y attendais. Le fantôme inscrit dans ma mémoire
avait repris chair. Pas trace de déception : tout ce que
j’avais aimé était toujours là, sa ferme
sveltesse, ses lèvres et ses pommettes dignes d’une
Cléopâtre, ses yeux noirs d’un éclat sans
pareil. Si les femmes sont des fleurs qui embellissent le monde,
Astiza était un lotus.
Elle
avait un peu vieilli. Mais c’est une erreur de croire que l’âge
insulte les femmes, il leur donne simplement plus de personnalité.
Ses orbites s’étaient imperceptiblement creusées,
comme si elle avait vécu des heures et ressenti des choses
qu’elle eût préféré ne pas
connaître. Je me demandai si j’avais beaucoup plus changé
qu’elle et portai ma main à ma barbe de plusieurs jours.
Dans mes vêtements salis par le voyage, je ne devais guère
avoir fière allure. Sa propre robe avait également
connu de meilleurs jours, ainsi que ses bottes de cavalerie peut-être
empruntées à un joueur de tambour. Sa minceur était
celle d’une danseuse, mais n’avions-nous pas tous fondu ?
Une dague et une bourse de cuir pendaient au bout du cordon de soie
qui lui entourait la taille. Auprès d’elle, sur la roche
voisine, reposait une outre d’eau fraîche.
J’hésitais,
tous mes discours oubliés. C’était comme si je la
voyais ressurgir d’entre les morts. Finalement, je réussis
à bégayer :
« Je
n’ai jamais cessé de te rechercher. Personne ne
retrouvait ta trace. »
Cela
dut sonner comme une excuse et c’en était une. Je me
souvenais trop bien d’être resté dans cette
nacelle alors qu’elle tombait dans le Nil.
« Tu
as ma bague ? »
La
brutalité de cette entrée en matière me blessa.
Je sortis le rubis et le lui tendis. Elle le glissa rapidement dans
la bourse de cuir, sans le regarder. Pensait-elle toujours que s’y
attachait une malédiction ?
« Elle
servira d’offrande, expliqua-t-elle.
— À
Isis ?
— À
tous. Thot compris.
— Je
t’ai crue morte. C’est comme un miracle. Tu as l’air
d’un esprit. Ou bien d’un ange.
— Tu
as les séraphins ? »
Sa
froideur était déconcertante.
« J’ai
pris tous les risques pour te rejoindre. Et tout ce que tu désirais,
c’était de la joaillerie ?
— Nous
en aurons besoin.
— Nous ?
—
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