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Histoire de croisades

Histoire de croisades

Titel: Histoire de croisades Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Allessandro Barbero
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sont partagés. Certains pensent que, somme
toute, si vraiment ces gens vont à l’assaut des Turcs ce n’est pas un mal, puisque
la pression turque met en péril l’existence même de l’Empire. Mais cet afflux
de barbares, comme ils les appellent, suscite aussi de grandes craintes. Ce
sont des chrétiens, certes, mais des chrétiens que l’on ne comprend pas : une
des premières tâches de l’empereur Alexis est de trouver des interprètes, des
gens sachant au moins le latin ; s’ils connaissent aussi les langues
barbares que parlent ces Occidentaux, le français ou le génois, tant mieux, mais
il faut des interprètes. Puis il faut recruter des troupes pour les escorter :
durant tout leur parcours au sein de l’Empire byzantin, les croisés sont
accompagnés – pour leur sécurité, bien sûr, mais plus il y aura de gens autour
d’eux mieux ce sera, et de toute façon il y a continuellement des incidents, car
cette marée humaine trouve que les cousins d’Orient sont des gens très bizarres.
Les croisés ont du mal à admettre que ce ne sont pas les ennemis, que les vrais
ennemis – les Turcs – se trouvent plus loin. Les Byzantins poussent un grand
soupir de soulagement quand finalement les croisés sortent de l’Empire ; le
problème est que cela ne finit jamais, parce qu’il en arrive toujours d’autres :
après Pierre l’Ermite ce sont les princes et leurs armées, puis encore d’autres
princes, puis encore les renforts, et pendant des années l’Empire byzantin doit
faire face à tous ces gens qui passent.
    Quelle sorte de gens est-ce donc ? Anne Comnène admet
qu’ils sont mus par un idéal, du moins pour la plupart d’entre eux. Elle est
bien informée, sait que le pape a prêché la croisade, et elle dit que cette
idée, « étonnamment, eut du succès ». La croisade est une nouveauté, comme
nous le savons, et les chrétiens d’Orient trouvent vraiment qu’il s’agit d’une
drôle d’idée ; mais les Occidentaux sont eux-mêmes très déconcertants. Quoi
qu’il en soit, l’idée d’Urbain II a eu du succès. Les barbares partent en masse,
pleins d’ardeur et d’enthousiasme, et envahissent les routes. Il y a parmi eux
des guerriers, des civils, des familles, des femmes, « plus nombreux que
les grains de sable de la mer ou que les étoiles du ciel, portant des branches
de palmier » – symbole caractéristique du pèlerinage – « et des croix
sur leurs épaules » : c’est là quelque chose de nouveau, une
manifestation visible de l’engagement à combattre jusqu’à la libération du
Saint-Sépulcre. Anne considère que « les gens simples étaient animés, de
façon absolument sincère, par le désir d’aller prier sur le sépulcre de Notre
Seigneur et de visiter les lieux saints » : dans la masse, elle
reconnaît la ferveur des gens qui n’ont rien à perdre et qui se sont mis en
marche pour des motifs réellement religieux. Pour ce qui est des chefs, en
revanche, elle a des doutes. Les chefs, au demeurant, sont ceux qu’elle a le
mieux connus. Elle les a vus dans son palais à chaque instant, et même, comme
nous allons le constater, il était très difficile de s’en débarrasser : elle
les a bien connus, et il ne fait aucun doute pour elle que leur seule et unique
motivation était l’avidité.
    Représentante d’une civilisation raffinée ayant affaire à
des barbares, Anne Comnène généralise. La manière même dont elle les désigne
est une généralisation : elle les appelle quelquefois les Latins, quand
elle pense avant tout à la différence religieuse, mais en réalité le nom qu’elle
emploie le plus est « les Celtes ». Comment cela se fait-il ? La
réponse est simple : parce que les hommes de la première croisade sont
presque tous français ou normands. D’où viennent-ils ? De la Gaule. Les
auteurs antiques, qu’Anne connaît fort bien et a dans sa bibliothèque, disent
que la Gaule est habitée par les Celtes, donc Godefroi de Bouillon est un Celte.
Et les Celtes, pour Anne, qui appartient à une culture accoutumée à réfléchir sur
les caractères nationaux des divers peuples, ont des caractéristiques
particulières. D’abord, ils sont très ambitieux : « Tout Celte désire
dépasser ses égaux. » Le fait est que tous ces chefs sont égaux entre eux ;
ils n’ont pas de roi, chacun d’eux est décidé à se mettre en valeur, à montrer
qu’il est plus courageux que les autres, et à amasser plus de

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