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Histoire de croisades

Histoire de croisades

Titel: Histoire de croisades Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Allessandro Barbero
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leur en prend.
    Anne n’est pas moins étonnée par le clergé latin. Certes, elle
le voit à l’œuvre durant la croisade et n’en connaît pas les éléments les plus
brillants : les grands intellectuels ou les moines célèbres pour leur
spiritualité. Mais elle voit – ou on le lui rapporte – des prêtres qui suivent
l’armée des croisés en portant les armes comme le premier soldat venu. Une
chose pareille est interdite en Occident par les canons de l’Eglise tout autant
qu’en Orient, mais en ces siècles où l’Europe est dominée par une caste de
chevaliers pour qui les vertus les plus hautes sont le courage, la loyauté et
la valeur guerrière, les membres du clergé ayant pris part à la croisade, en
grande partie issus de la même aristocratie chevaleresque, ne dédaignent pas de
combattre. Anne généralise : selon elle, les Latins ne s’arrêtent pas à de
telles subtilités car ils n’en sont pas capables. Nous autres, dit-elle, nous n’envisagerions
jamais d’envoyer nos prêtres au combat ; nous respectons les canons et l’enseignement
de l’Evangile, « mais le barbare latin ne craint pas de manier des objets
sacrés, de porter l’écu sur son bras gauche et d’empoigner la lance avec la
main droite. Il communie le corps et le sang divins tout en assistant à des
scènes sanglantes et il devient lui-même " un homme de sang ", comme
le dit David dans les Psaumes. Ainsi cette race n’est pas moins dévouée à la
religion qu’à la guerre ». La notion de race est bien commode quand il s’agit
de généraliser ; le fait est que les Latins sont très différents des « Romains »
aux yeux d’Anne.
    Pourtant, à un certain moment, Anne écrit une phrase, une
seule, qui nous donne un tout autre aperçu de la façon dont les Byzantins
pouvaient considérer les chefs croisés et leurs chevaliers. Anne, rappelons-le,
est une princesse porphyrogénète, « née dans la pourpre », héritière
d’une dynastie impériale et d’une glorieuse culture antique ; c’est une
intellectuelle qui lit les tragiques grecs, et c’est une femme : ces
brutes grossières qui arrivent à cheval en brandissant des lances ne la
séduisent pas du tout. Mais son père était un combattant, connaissait l’importance
de la capacité guerrière pour la défense de l’Empire, et appréciait également d’autres
qualités, telles que la force physique, la valeur, le courage, la loyauté chevaleresque.
Anne nous révèle en passant que son père éprouvait bel et bien une certaine
admiration pour les barbares. Quelques chefs croisés étaient tombés prisonniers
des Turcs, et l’empereur Alexis Comnène en avait été attristé : « Pour
lui, écrit Anne, ces hommes, dans la fleur de l’âge, au comble de leur force, de
noble lignage, semblaient rivaliser avec les héros de l’Antiquité. » Le
monde byzantin, sur le plan de la culture chevaleresque et guerrière, est plus
arriéré que le monde occidental, même si, sous les Comnènes, il essaie de
rattraper son retard : Alexis a lu ou a entendu lire à maintes reprises
les hauts faits d’Achille et d’Ajax, et dans son monde civilisé il n’existe
rien d’équivalent ; quand il rencontre les croisés, il les retrouve comme
s’ils sortaient tout armés des pages d’un manuscrit.
    Après avoir franchi l’Empire byzantin, les croisés entrent
en contact avec les musulmans – un monde belliqueux et chevaleresque où, comme
nous l’avons vu, les groupes dirigeants ne sont plus arabes mais turcs. Ce sont
les Arabes qui ont entrepris les grandes conquêtes après la prédication de la
foi islamique par Mahomet. Au VII e et au VIII e siècle ils
ont soumis tout le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord, l’Espagne, puis la Sicile. Ils
fondent alors une civilisation qui continuera à parler arabe, tout comme le
Coran est écrit en arabe ; mais à l’intérieur de ce monde musulman, quand
débute la première croisade, des peuples nouveaux venus d’Asie, les Turcs, se
sont installés. Les Turcs ne sont pas du tout arabes, leur langue n’a aucun
rapport avec l’arabe, mais ils se convertissent à l’islam et imposent leur
hégémonie dans la plus grande partie du monde musulman : un peu partout le
sultan, les émirs, les chefs locaux, les guerriers sont turcs, ou quelquefois
kurdes, comme Saladin.
    Or ce monde de culture arabe, où l’arabe demeure la langue
de la religion et de la politique mais dont les élites militaires sont

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