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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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de Duverney, ses employés ne furent point insensibles, falsifièrentdes pièces, arrangèrent des affaires. Trois ou quatre, pris pour l'exemple, condamnés, devaient être pendus, mais on les épargna. Que de gens il eût fallu pendre? C'était à qui sauverait les riches victimes du Visa. La sensibilité des dames brilla là, comme toujours. Elles coururent, assiégèrent les puissants. Telle s'entremit pour un diamant ou quelque autre cadeau. Telle fit plus; elle couvrit l'opulent malheureux en l'épousant. Force seigneurs daignèrent donner aux Mississipiens des filles de protection . Ce fut le terme consacré. S'ils n'avaient pas de filles, l'agioteur disait avec simplicité: «On m'en veut pour cette terre, cet hôtel ... Eh bien! prenez-les.»
    Ainsi les enrichis s'arrangeant avec les vieux riches, la finance nouvelle avec l'ancienne, l'agiotage épousant la noblesse, une certaine société bâtarde va commencer où l'élément jeune et actif des gens d'affaires ne rajeunira pas les vieux oisifs, mais participera à leur vieillesse, à leur paresse. De ce beau mariage sort la race des frelons qui vont stériliser tout le règne de Louis XV.
    C'est en bas, sur les grandes masses, sur la partie active de la population ( un million de familles , donc cinq millions d'individus?) que tomba lourdement d'aplomb l'écrasement du Visa. Ceux qui n'avaient ni rentes ni actions, ceux qui spéculaient le moins, avaient reçu malgré eux, en paiement et de mille manières, des papiers de toute sorte, spécialement les papiers-monnaie qui avaient cours forcé. Au Visa, tout fondit. Ils se trouvèrent n'avoir presque rien dans les mains. Mais ce peu, mais ce rien, ils croyaient aumoins le toucher. Point du tout. Ce débris de débris, ils ne l'auront pas même. Ils pourraient le manger. L'État est soucieux de le leur conserver; il ne leur en fait que la rente. Une rente minime à un taux misérable. Une rente peu sûre après tant de réductions, que nul ne voudrait acheter. Après tant de rudes coups, c'en est fait de la foi publique.
    Rude aussi et terrible l'effet de tout cela sur la moralité, et, ce qui est plus fort, sur la raison, sur le bon sens. Les têtes sont fortement ébranlées par la grandeur d'un tel naufrage. Il en résulte un effet singulier qu'on croirait un trait de folie. Moins on a, et plus on dépense. C'est qu'on ne compte plus, on ne songe plus à rien équilibrer. Chacun joue de son reste. Et ce n'est plus, ce semble, au plaisir que l'on court (comme dans les premières années de la Régence), c'est à l'étourdissement, à l'oubli, au suicide. Ce qui reste, force, vie, fortune, on a hâte de l'exterminer. En Provence, on l'a vu, la peste fut galante et luxurieusement effrénée. Même effet à Paris pour l'autre peste, la débâcle des fortunes. Les survivants d'un jour semblent se faire scrupule de garder rien de leurs débris. On va de fête en fête, de bal en bal. Surtout les bals masqués, champ d'aventures furtives, folles loteries de femmes, de plaisirs d'un instant.
    Il y avait de l'entrain, mais fort peu de gaieté, plutôt des farces ou obscènes, ou tragiques. À certain bal arrivent quatre masques apportant un cinquième qui semblait faire le mort. Les quatre disparaissent, mais le cinquième non. Car c'était un mort en effet.
    Deux morts gouvernent le royaume, pour mieuxdire, font semblant. Le Régent et Dubois, toujours entre deux crises, pourraient à chaque instant passer demain. Dubois, avec les apparences d'une activité furieuse, stimulé, endiablé de l'urètre et de la vessie, reste inaccessible et s'enferme. Pour les choses pressées, nul moyen d'arriver à lui. Sauf son affaire (d'acheter le chapeau) et les mariages espagnols, l'affaire des Orléans, dont nous parlerons tout à l'heure, il ne fait presque rien. Combien moins le Régent dans sa torpeur apoplectique!
    De plus en plus, celui-ci est grotesque. Pour faire croire qu'il existe encore, il fait obstinément l'Henri IV et le vert galant. Il ne tient pas à lui qu'on ne le croie un joyeux libertin. De son mieux il simule l'enivrement des vices, lorsqu'il n'en a plus que l'ennui.
    Quelle est à cette époque la figure de ce galant prince? Si changée que personne n'ose le peindre. Dans la célèbre estampe du Triomphe de la Banque (1720), entre l'Industrie, l'Abondance, le Temps offre un petit portrait du Régent au culte des agioteurs. Mais ce joli portrait est pris sur ceux de la jeunesse. Fausse et menteuse image,

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