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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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fouettée de la main du bourreau.
    Le Parlement qui, sur appel, rejugea le jugement, ne s'associa pas moins aux sensibilités du peuple. Un seul conseiller hésita. Menacé, il n'osa juger, s'abstint. Ce fut une merveille qu'il se trouva un avocat, Sudre; que ce nom intrépide reste dans l'immortalité. C'était un légiste très-fort. Il mit les choses en pleine clarté. Comment s'y prit le Parlement pour se faire assez de ténèbres? D'une part, en suivant certains us abolis, de l'Inquisition. D'autre part, en suivant labelle ordonnance de Louis XIV, en jugeant: que plusieurs indices légers font un indice grave, deux graves un indice violent, qu'avec quatre quarts de preuves et huit huitièmes de preuves, on a deux preuves complètes, etc.
    Sur treize voix, il y en eut sept contre l'accusé. Ce n'était pas assez; mais le plus vieux des conseillers, d'abord favorable à Calas, ne put résister à l'aspect menaçant de ses collègues, ou à l'entraînement du peuple qui attendait, espérait.
    Ce qui trancha tout peut-être, c'est que les protestants, tremblant pour eux-mêmes plus que pour Calas, firent déclarer par leur homme, Rabaut, le héros du Désert, par l'église de Genève, qu'on n'enseignait nullement le meurtre des enfants. Mais cela même augmenta la fureur des catholiques. Quoi! Rabaut si hardiment vit, se promène autour de Nîmes, il ose se signaler, il parle, écrit, intervient! Cela fut fatal à Calas.
    Comme si on eût voulu piquer le taureau populaire, lui mettre la braise à la queue, ce bruit court: «Ils vont échapper!» La nuit, on place des lanternes sur le toit de la prison. La foule veille autour inquiète. Si on lui ôtait sa proie!
    Mais le voilà... Soyez heureux!... Le voilà sur la charrette entre deux Dominicains. Ce bonhomme de 64 ans, qui n'avait marqué en rien, le voilà (qui l'eût attendu?) d'une noblesse héroïque. Les deux moines en sont stupéfaits. À son amende honorable, à l'échafaud, sur la roue, il répète: «Je suis innocent.» Il prie Dieu de pardonner sa mort à ses juges.
    Il ne cria qu'au premier coup. Rompu, brisé, deux heures encore la face tournée contre le ciel, il eut la même constance d'âme. Le misérable capitoul David était là présent, espérant qu'il avouerait. Il ne put se contenir, s'élança vers le roué, et lui montrant le bûcher: «Dans un moment, tu n'es que cendre... Allons, dis, malheureux, avoue!» Calas détourna la tête du côté de l'éternité.
    L'effet fut violent, terrible. Toulouse à l'instant dégonfla. La masse de poison, de colère, disparut. Les visages blêmes disaient l'énorme avortement qui se faisait tout d'un coup. La folie du jugement crevait les yeux. En ne condamnant que Calas, on supposait que ce vieillard, faible, de jambes chancelantes, avait seul pendu, étranglé, un fort gaillard de vingt-huit ans! On espérait apparemment que, dans l'excès des douleurs, il accuserait les siens pour avoir quelque répit, qu'un mot lui échapperait. On se fût servi de ce mot. La mère, le fils Pierre et l'ami, tous auraient été rompus. Mais sa fermeté les sauva.
    Les amis, parents, de Lavaysse, craignaient, quand on le fit sortir, que le peuple ne lui fît un mauvais parti. Mais ce fut tout le contraire. La foule l'accueillit, le bénit. Les femmes disaient: «Qu'il est joli! qu'il a l'air doux!» Elles pleuraient encore plus que pour Marc-Antoine.
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    Un Marseillais qui avait vu l'exécution de Calas,en parla en mars à Voltaire. Il sauta d'indignation. Le petit Donat Calas était à Genève. Il le vit, le fit parler. Puis, il écrivit à la veuve, lui demandant si elle signerait, au nom de Dieu, que Calas était mort innocent. «Elle n'hésita pas, dit-il. Je n'hésitai pas non plus.»
    Voilà qui est admirable. Voltaire n'est pas un héros. Et pourtant, à l'imprévu, il fait la terrible entreprise de réhabiliter Calas, c'est-à-dire de déshonorer le Parlement de Toulouse, c'est-à-dire, de braver, blesser, peut-être, tous les Parlements.
    Richelieu, quand il lui en parle, demande s'il est devenu fou.
    Car, quelle arme a-t-il? Aucune. D'aucune source officielle il n'obtient de renseignements. Les pièces sont sous la clef du Parlement de Toulouse. Comment les atteindre là?
    Que pensait M. de Choiseul? Si on eût osé le sonder, eût-il avoué jamais (ayant besoin des Parlements) qu'il verrait avec plaisir ce hardi soufflet donné à leur popularité?
    Choiseul était bien puissant. Eh bien, dans l'ombre plus

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